• Théâtre  • « Backstage ». Hamlet en coulisses. Un nihilisme alcoolisé.

« Backstage ». Hamlet en coulisses. Un nihilisme alcoolisé.

A priori le programme est alléchant : en toile de fond, « Hamlet », une plongée dans les contradictions du pouvoir, les abîmes de l’amour, le vertige de l’existence et la naissance du théâtre dans le théâtre. Avec vue sur les coulisses où six figurants, trois hommes, trois femmes, trois Flamands, trois francophones se débattent dans le marécage de leur vie très ordinaire. Le résultat nous laisse sceptique, perplexe.

Tout commence plutôt bien. Un hurluberlu débarque …en retard pour « figurer » dans un Hamlet joué dans un grand Théâtre National hyper friqué  d’une ville fictive. Sur la scène, une loge un peu large, six chaises et six boîtes en carton contenant les costumes de scène des figurants. On entend tour à tour la voix du régisseur réglant les entrées en scène et des échos de cette scène. Ces figurants comme autant de fantômes jouent donc le « théâtre dans le théâtre » sur le mode sarcastique, why not ? Leur rapport au pouvoir se limite à cracher dans la soupe de l’institution théâtrale qui les emploie. L’amour entre eux est réduit à des querelles mesquines, des petites rivalités médiocres ou des ragots plats. Quant au vertige de l’existence il s’exprime par une addiction à l’alcool dont les bouteilles vides envahissent petit à petit le plateau, bof, so what ?

On connaît bien ces acteurs qui font (ou ont fait) partie de collectifs remarquables (Dito Dito, Leporello, Enevé, Toc, Transquinquennal, etc ) avec cette façon de jouer un peu en décalage qui a son charme désinvolte. Ici ils/elles jouent tou(te)s dans les deux langues, français et flamand (« traduit » du néerlandais, nous dit le dossier de presse) surtitré et alterné, louable ambition même si le français domine. Mais alors que ces collaborations entre acteurs flamands et francophones donnent souvent de belles réussites, ici ça cale.

L’an dernier, Eno Krojanker nous avait touché, avec son copain Hervé Piron et le groupe flamand Tristero dans « Desperado », Prix Maeterlinck de la Critique, catégorie comédie/humour. Les auteurs, les Hollandais Ton Kas et Willem De Wolf leur donnaient des rôles dérisoires, d’un comique irrésistible et fin.

Hélas, hélas mon pauvre Yorick, ici le texte du Hollandais Oscar Van Woensel vole vraiment trop bas, nous noyant dans un comique de dérision, drôle pendant une demi-heure mais tellement répétitif qu’il nous soûle de mots plats, de phrases interrompues, d’états d’âme larvaires, à mesure que les bouteilles d’alcool envahissent le plateau. On reste donc sur sa faim, frustré de voir ces excellents acteurs/trices s’enfoncer dans un texte liquéfié. Excellents acteurs : Eno Krojanker, Bernard Eylenbosch, Tomas Pévenage et remarquables actrices : Circé Lethem, Andrea Bardos, Ina Geerts. Leur belle présence sauve l’ensemble, de justesse.

« Backstage » (Oscar van Woensel) par le collectif BXL WILD

À la Balsamine jusqu’au 21 février.

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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