• Théâtre  • « Hyperlaxe »(Compagnie Te Koop).Eloge de la fragilité créatrice.

« Hyperlaxe »(Compagnie Te Koop).Eloge de la fragilité créatrice.

C’est le genre de spectacle qui vous réchauffe le cœur à la manière de l’Auvergnat de Brassens « qui sans façon m’a donné .quatre bouts de bois, quand dans ma vie il faisait froid…Et dans mon âme il brûle encore à la manière d’un feu de joie  » Dans le spectacle de Nicolas Arnould et Axel Stainer, délicatement mis en scène par Sophie Leso,  il est aussi question de 4 bouts de bois que partagent deux complices pour orchestrer leur chorégraphie de l’amitié et de l’amour. Comment s’apprivoiser quand on est différent? Dans ce cas particulier, le handicap de l’un, la trisomie, est tellement bien accompagné et surmonté que ce pari à la fois généreux et porteur de beauté et de performance est totalement réussi. La fragilité de départ et cet impératif de précision et de coordination des deux acteurs/lutteurs/judokas/danseurs sont le propre de chaque spectacle  » vivant « , qui peut être inégal d’un soir à l’autre, en fonction de la forme des acteurs et de la capacité d’empathie du public. Mais ici il est le noyau central de cette performance et une des clefs de sa capacité d’émotion ».

« Hyperlaxe« , titre du spectacle, évoque la capacité des malades atteints de trisomie d’avoir une souplesse musculaire au-dessus de la moyenne ce qui donne au départ un avantage à Axel sur Nicolas. Nicolas a une meilleure mémoire des gestes à accomplir pour coordonner cette petite heure d’échanges qui vont du plus simple au plus complexe. Comme s’ils bâtissaient progressivement  ensemble une grammaire commune, entre danse, mime, judo, parole et musique. Pas de narration chronologique mais la voix d’Axel surgit pour ajouter une impression de vécu, de ressenti, d’humour aussi,  sur ce qu’on a vu ou va voir. Pas de copier/coller de la voix sur le geste mais plutôt des enchaînements de confidences et de gestes, doux ou forts, comme cette  » parade amoureuse  » musclée, le top performatif et émotionnel d’ »Hyperlaxe« . Une « non-scéno » voulue, 4 bouts de bois, 2 chaises, un bouquet de fleurs, 6 bouts de scotch au sol pour marquer l’espace. Comme le dit joliment la metteuse en scène, Sophie Leso, des deux interprètes: « En fait, vous êtes le paysage de ce qu’on nous raconte« .

Derrière cette réussite il y a une splendide tradition d’accompagnement créatif des handicapés où Sophie a puisé son inspiration. Pipo Delbono au niveau international. En Belgique le  Créahm (dont fait partie Jaco Van Dormael, auteur du 8è jour avec Pascal Duquenne) ; Et Catherine Magis et ses  » Complicités « , qui fait se rencontrer circassiens et artistes handicapés mentaux.

 » Hyperlaxe  » un objet délicat, qui peut toucher tous les publics. Un exercice doux de tolérance par l’exemple. Et un pari sur la fragilité surmontée qui peut devenir une force artistique.

« Hyperlaxe « de Sophie Leso, Nicolas Arnould et Axel Stainer.(Compagnie Te Koop)

Création  au Théâtre Varia, en coréalisation avec l’Espace Catastrophe, du 1er au 3 décembre.

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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