• Théâtre  • « Money ! » de Françoise Bloch . Argent criminel? Une comédie rythmée.

« Money ! » de Françoise Bloch . Argent criminel? Une comédie rythmée.

Vous avez quelques économies en banque. Etes-vous un assassin ? Ainsi interpellé, on rit d’abord, on réfléchit ensuite.

Un petit jeune homme pétillant et pétulant (délicieux François Piret)  nous avertit, léger et bondissant: je suis « propre sur moi » mais j’ai des meurtres sur la conscience.

Bonne accroche pour plonger dans le monde opaque de la finance par le biais de Monsieur tout le Monde et son sacré carnet d’épargne. Innocente, l’épargne pension ? De raisonnement en raisonnement, de dossier en dossier, on vous démontre que vous avez tort de faire l’innocent. Car les banques utilisent les failles de la loi et les vides juridiques sciemment organisés pour vous rouler dans la farine et faire servir votre argent à l’exploitation du monde mis en coupe réglée.

Alors, didactique,  « Money ! « ? Oui mais pas pesant et même drôle, « délicieusement » didactique. « Engagé » ? Evidemment mais pas à l’ancienne mode brechtienne ou « existentialiste » qui ne fonctionne plus avec les nouvelles générations. C’est documenté, « ludique », rythmé : « l’enquête » sur les pratiques d’une banque à logo rouge  progresse par une chorégraphie tourbillonnante  de chaises de bureau sur roulettes.

La vidéo de Benoît Gillet cadre les lieux, les statistiques, les jeux de hasard. On progresse d’actions en obligations, de fonds d’investissement en sicavs : les quatre employés manipulateurs rabattent toujours le même jeu de cartes trompeur, pour en mettre plein la vue au péquenot qui vient les trouver avec une candeur absurde : « investir, confiance, transparence, avenir, projet, diversification et même …éthique »,  présentés dans un ordre différent selon le client et le type de produit mais avec le même objectif : créer une confiance et un sérieux parfaitement factices.

On rit beaucoup car ce discours dominant se trouve dans toutes les pubs et tous les entretiens avec l’employé de banque basique. Alors, on n’apprend peut-être pas grand-chose de neuf, en somme, mais la structure de démonstration est habile et les acteurs, tous épatants  à nous rappeler, sans leçon pesante, qu’on est tous aveugles.  Et complices d’un système que nous n’avons plus la force de combattre, le laissant nous exploiter…pour exploiter le monde entier. 

Jérôme de Falloise, Benoît Piret, Damien Trapletti et Aude Ruyter nous emballent dans leurs mots tourbillonnants : ils s’investissent (« littéralement » !) à fond dans ce théâtre documentaire sur les astuces actuelles du capitalisme dont Françoise Bloch s’est fait une spécialité. Après Grow or go (les mécanismes de la consultance) et Une société de services (les astuces du télémarketing), voici Money !, sorte d’Assimil hilarant pour les nuls en économie. Une belle réussite qui nous permet de « joindre les deux bouts » : apprendre (un peu)…en s’amusant (beaucoup). Et au final, à nous d’agir…ou de nous rendormir, sur nos taux d’intérêts minables, qui permettent à quelques banques, de juteux bénéfices…parfois meurtriers.

 

Money, de Françoise Bloch, au Théâtre de Liège du 12 au 16 novembre 2013

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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