• Théâtre  • ‘Simon Boccanegra'(Verdi). Opera Vlaanderen. Une distribution impeccable avec un visuel peu convaincant.

‘Simon Boccanegra'(Verdi). Opera Vlaanderen. Une distribution impeccable avec un visuel peu convaincant.

Critique :

On attendait beaucoup de David Hermann qui avait réussi une mise en scène iconoclaste de la Flûte enchantée de Mozart créée en 2012, reprise en janvier 2017. Il  » politisait  » Mozart transposé dans le Far West, transformant Sarastro,en un cow boy maléfique, annonçant …Trump.

Pas de semblable révolution avec ‘Simon Boccanegra’ de Verdi, déjà fortement politique au départ. On y voit la lutte confuse entre patriciens et plébéiens pour la prise du pouvoir via la fonction rendue élective de doge.  Ce combat politique tourne autour d’une intrigue amoureuse mélo à souhait avec une fille bâtarde de Simon, Amelia, perdue puis retrouvée, adoptée par le rival, le sage Fiesco. Mais Simon est victime d’une sordide rivalité amoureuse  entre deux prétendants Paolo le traître et Adorno le pur. Pas simple à rendre clair !

Hermann prend le parti d’utiliser un plateau tournant pour faire défiler les périodes et les lieux, classique et souvent efficace. Mais alors que la mer est le thème central de cette rivalité dans le port de Gênes on ne la voit jamais que par la lumière extérieure parfois infiltrée. Un château central aux recoins propices aux intrigues latérales est omniprésent. David Hermann le justifie (voir interview  ci-dessous) comme lieu du pouvoir partout en Europe. Quant à la temporalité, déjà Verdi essayait de transposer ce drame du XIVè siècle dans la fièvre de l’indépendance italienne. Herman jongle avec les époques. Simon est aussi bien prince du XVIIè siècle dans le prologue que PDG actuel. Dans une scène décisive il est le Christ (bientôt empoisonné et pas crucifié !), Paolo le traitre est Judas, Adorno est un centurion romain alors que Amelia apparaît comme N.D de Lourdes ! Le public sourit mais cette fantaisie ne nous a pas convaincus.

Reste la musique, défendue par un orchestre très performant sous la baguette d’Alexandre Joël et des chœurs excellents auxquels Luigi Petrozziello donne une belle vigueur. Pour cette dernière, le 9, à Gand, Simon sera interprété par le solide baryton bulgare Kiril Manolov alors que Nicola Alaimo nous avait totalement séduit à Anvers.  La soprano grecque Myrto Papatanasiu est une Amelia de charme et la basse chinoise Liang Li un Fiesco noble à la voix à l’aise dans tous les registres tout comme dans les aigus le ténor ouzbek Najmiddin Malyanov.

          Au total un Verdi rarement joué et qui mérite le déplacement malgre une mise en scène qui manquait d’originalité par rapport à la Flüte vue précédemment.

La Flûte enchantée’ (Mozart) et ‘Simon Boccanegra’(Verdi) vus par David Hermann.

 

Christian Jade: Quelles étaient vos idées de départ autour de Mozart et de Verdi ?

David Hermann: D’un côté, avec Simon Boccanegra nous avons une pièce assez politique avec peu de place pour la créativité de la mise en scène car le texte dramatique est suffisamment précis. L’histoire se présente parfois sous la forme d’un thriller. D’un autre côté, nous avons affaire à un conte de fée. C’est assez différent.

CJ: Dans ‘Simon Boccanegra votre ambition est de représenter toute l’histoire politique de l’Europe ?

DH : Non. Mon projet est parti du constat qu’en Italie et en Allemagne l’histoire politique a lieu au sein d’anciens palais qui  n’ont pas changé comme le président français qui travaille au même endroit depuis 200 ans. Donc la politique est associée à une notion antique, au vieux. Les murs et la musique de ces palais s’insinuent dans nos esprits et dans nos démocraties comme une ombre dormante. Finalement, notre démocratie est fragilisée par le poids de ses nombreux fantômes du passé sortis des murs. Boccanegra dit 3 fois dans la pièce à ses ennemis :  » Frappez-moi ! « , comme César Le nom de Maria est empreint de christianisme. Jésus voit tous ses apôtres avec lucidité. Il sait où est le traitre… comme Boccanegra Il s’agit pour moi d’allusions intéressantes à nos références, conscientes ou non, au christianisme.

CJ : Comment abordez-vous visuellement l’intrigue sentimentale et mélodramatique ?

DH: Mon spectacle oscille entre des sujets à caractère politique et d’autres sur la vie privée. Beaucoup d’hommes politiques éprouvent des difficultés à séparer l’un et l’autre. C’est le cas de François Hollande par exemple. La pièce de théâtre témoigne de cette lutte de façon globale, sans grandes images. Le décor voulu intimiste permet de faire d’avantage ressurgir la chaleur et l’agressivité entre les personnages.

J’ai reçu votre Zauberflöte de Mozart comme une noire prémonition, de l’ère Trump, écrasant les valeurs des Lumières .Pourquoi avoir posé cet opéra mythique dans un Far West dès 2012 ?

Je trouve La flûte enchantée très cruelle. Les épreuves et les relations que vivent les personnes sont remplies de violence. Je n’y vois pas beaucoup d’humanisme. Il me semble que la musique sublime qui arrive lors des scènes d’agressivité vient apporter un contre-point essentiel à sa digestion car Mozart nous apporte toujours de l’espoir. La fin est différente chez moi. Sarastro est tué. Le système de cette société que nous présente cet opéra est hiérarchique et misogyne. L’espoir se trouve dans la fuite de deux personnages : Tamino et Pamina. Pour moi c’est un espoir féministe et  » obamiste « . La mère est folle. Elle tyrannise sa fille. Sarastro est faux et ennuyeux. Je les libère d’un espoir pour que la jeunesse nouvelle et les personnes qui suranalysent les événements puissent prendre une autre voie.

‘Simon Boccanegra’ de Verdi, m.e.s de David  Hermann à Opera Vlaanderen (GAND) ce 9 mars à 19H30.

Christian Jade (RTBF.Be)

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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