• Théâtre  • Urgence : chef d’œuvre. 3 sœurs de Tchékhov, égarées au Brésil. Drôles et tragiques. Théâtre et cinéma. Le bonheur. ****

Urgence : chef d’œuvre. 3 sœurs de Tchékhov, égarées au Brésil. Drôles et tragiques. Théâtre et cinéma. Le bonheur. ****

Je ne suis pas un agent de publicité théâtrale mais un passionné de théâtre et de cinéma, entre autres. Et il vous reste 2 jours pour partager mon enthousiasme… ou me maudire !

De quoi s’agit-il ? D’un chef d’œuvre de Tchékhov hyper connu, ‘Les trois sœurs ‘qui dans leur trou de province rêvent de fuir à Moscou, donc Ailleurs. De loin, tout est beau et grand et mieux qu’ICI, ce petit monde banal où la joie d’une petite fête d’anniversaire ne fait qu’aggraver et pas guérir un énorme vide intérieur. Le bilan est sombre : 15 ans de mariage pour l’aînée, un divorce à l’horizon pour l’autre et les illusions de l’instant présent pour la cadette. Noyer tout ça dans l’alcool, la complicité éphémère avec le public ou le sexe  » live  » ne résout rien. Chacune plonge tour à tour dans un grand bocal d’eau comme pour éprouver doucement  la tentation du suicide. Parfois elles se rassemblent sur un grand canapé comme de petits oiseaux perdus essayant de se réchauffer par des taquineries qui recréent des complicités enfantines. Tout cela est beau et juste, joué par trois actrices talentueuses, drôles, familières, d’un naturel confondant et qui jouent avec leur séduction naturelle pour nous emmener dans leur utopie : comment changer ? Peut-on changer sa vie ? Suffit-il de le vouloir ? Comment échapper au présent, encombre de passé (des parents morts, le rapport à la terre, à l’habitude, entre autres) et guetté par un futur improbable ? Réflexion philosophique insinuée, en douceur, entre deux éclats de rire ou de rage. Pas de ‘message’, juste une question partagée avec nous, le public. Avec, en plus, une interrogation esthétique traduite dans les faits : dans un espace vous vivez une pièce de théâtre à angles multiples où la pièce, potentiellement un film, se construisent à vue sur plusieurs plans, avec des dialogues parfois inaudibles,  un ou deux cameramen qui se baladent …et participent parfois à l’action. L’œil, l’oreille fait sa sélection, le corps du spectateur se joint-ou non- à l’action, partage ou pas la fête ou les drames. Au théâtre on est libre. Après l’entracte on revit dans un autre lieu ce qu’on vient de voir mais filmé, cadré, avec des gros plans qui vous sollicitent de vivre au plus près des actrices. On est moins libre puisque la réalisatrice sélectionne pour nous la vie éparse dans le théâtre. On a comme un petit ‘travail’ de spectateur  supplémentaire, toujours en douceur : au fond comment je regarde un film ou une pièce ? Que m’apportent l’une et l’autre ? Distanciation ? Non double plaisir! On est dedans et dehors tout le temps ! A la fin une standing ovation d’une salle unanime pour Isabel Teixeira, Julia Bernet et Stella Rabello. Qui parviennent par un petit trucage à être présentes en chair et en os dans les 2 salles, distantes de 100m a quelques secondes de distance : petit clin d’œil supplémentaire qui conclut une soirée de 4 heures (ent’acte d’une petite heure compris) où on n’a pas vu le temps passer…alors quil est le sujet principal. Merci Christiane Jatahy, déjà remarquée au KFDA 2012 pour une modernisation brésilienne de Mlle Julie de Strindberg. Oui, au théâtre la mondialisation peut être  » vertueuse  » !

What if they went to Moscow ? (d’après les Trois Sœurs de Tchékhov) m.e.s Christiane Jatahy

Au Théâtre National jusqu’au samedi 7 octobre. https://www.theatrenational.be/fr/

Christian Jade (RTBF.be)

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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