» Finir en beauté » (Mohammed El Khatib): Un adieu à la Mère, d’une justesse tendre****
On a beau être blasé par 40 ans de passion pour le théâtre, il y a des semaines où on se dit : c’est trop injuste que le cinéma soit toujours « rattrapable » alors que le théâtre est à saisir au vol et pfftt il s’évapore. Mais parfois il laisse des traces heureuses… Et comme un fantôme, il resurgit. C’est le cas de Finir en beauté de et par Mohamed El Khatib, un monologue d’apparence toute simple sur le rapport mère-fils au moment de la mort. Et Dieu sait si de Proust à Tom Lanoye en passant par » l’Etranger » de Camus les mères » iconiques » ne manquent pas ! Celle-ci me reste, comme une émotion » juste « . J’ai vu ce monologue il y a 2 ans au Rideau de Bruxelles, dans le cadre des 25 ans de L’L, espace de création de Michèle Braconnier. Un spectacle qui, en Belgique, n’est passé que par le Théâtre de Namur alors qu’il voyage en France et au Canada depuis plus de 3 ans. Alors, si vous êtes en recherche de spectacles rares, sur un thème éternel, le » bilan mère/fils « , rattrapez-le, la semaine prochaine, à la Maison de la Culture de Tournai. Mes impressions de 2016.
Critique :
. « Finir en beauté » : Un amour filial lucide, tempéré d’humour. ****
La mort (d’une mère, par exemple), le deuil : un champ de mines pour lieux communs un peu boursouflés, de bonne ou mauvaise conscience. On en est tous là : comment résister à un bouleversement intime, comment faire face ? Le texte intégral, publié, aux « Solitaires intempestifs donne un avant-goût de cette méditation douce.
D’avoir dit à ma mère qu’elle était médicalement condamnée a-t-il accéléré le processus de fin ? Est-ce que je porte la culpabilité de cette annonce ? Je ne le crois pas…
Les parents se demandent toujours s’ils ont été de bons parents. Mais nous, est-ce qu’on a été de bons enfants ? On a été des enfants au niveau, nous ? On a été des enfants olympiques, nous ?
Attention, le spectacle n’est pas du tout un « recueil de citations » de moraliste : il raconte dans un ordre strictement chronologique, petite anecdote après petite anecdote, dégraissées de tout pathos, les étapes de la mort et les rapports particuliers mère/fils qui se tissent. Mais il dessine aussi une famille et une communauté marocaine prise dans les contradictions des coutumes musulmanes et « laïques ». Jusqu’à cet imam récitant une sourate du Coran avec dans l’autre main…un portable. Mais le charme et la justesse de ce spectacle rare viennent aussi et surtout de la position du » narrateur-auteur « , qui se refuse à « faire l’acteur » avec pour tout instrument de narration et scénographie une camera et un écran sans autre image que la traduction- écrite- des paroles de la mère entendues dans le lointain. Un appel à notre imagination qui nous oblige à intérioriser une douleur, distanciée par l’humour du narrateur. Au premier degré, ça marche…mais Mohamed El Khatib, disciple de Barthes, ne nous laisse jamais au degré zéro de l’émotion. Une heure de travail sur soi dont on sort comme revigoré par tant d’intelligence concrète. Comme s’il mettait en musique, sans romantisme mais non sans émotion, le programme baudelairien : Sois sage ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille « .
Finir en beauté (Mohamed El Khatib)
Maison de la Culture de Tournai: Mar 27/02, 19h30 et 21h • Mer 28/02, 19h30 et 21h .
Info : http://www.maisonculturetournai.com/fr/
Christian Jade RTBF.be
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