• Théâtre  • « Menuet »: un thème délicat, à la Lolita, traité avec une infinie délicatesse. Murgia en grande forme ***

« Menuet »: un thème délicat, à la Lolita, traité avec une infinie délicatesse. Murgia en grande forme ***

Pas évident, en francophonie, de cultiver ce genre hybride, le « théâtre musical », entre théâtre et opéra. Les Flamands et notamment le groupe LOD ont trouvé un public pour ces œuvres subtiles. Nous avons assisté, ravi, il y a un an (à De Singel à Anvers) à ce « Menuet » sur un « trio » amoureux fantasmé.  Mise en scène par Fabrice Murgia sur une musique de Daan Janssens et un texte de L.P Boon, cette œuvre sur le thème archi-délicat de la pédophilie, dépasse, de loin, le cercle « pointu » des amateurs d’opéra contemporain. Une des meilleures mises en scènes récentes de Fabrice Murgia. Ouverte à tous les curieux.

Au Théâtre National, du 14 au 17 février.

Compte rendu d’avril 2017.

Menuet. Une triple solitude. (Murgia/Janssens/Boon).***

Le Groupe flamand Lod avait déjà collaboré à la réalisation de « Ghost Road » et de « Children of nowhere » de Fabrice Murgia avec le compositeur Dominique Pauwels. La collaboration se poursuit avec une œuvre fameuse du romancier flamand Louis-Paul Boon, « Menuet », livret et mise en scène de Fabrice Murgia, musique de Daan Janssens, « mon contemporain », nous glisse Fabrice, 33 ans donc.

Publié en 1955, « Menuet » raconte la même histoire, vue par les 3 protagonistes : un homme vit dans un entrepôt frigorifique et collectionne des faits divers violents, tout en rêvant à la jeune bonne qui l’attire et qui est encore écolière. A la fin le rêve devient réalité. La même histoire est ensuite racontée du point de vue de la jeune fille et de la femme trompée. Ce qui attire Murgia, c’est la profonde solitude de ces trois êtres qui sont présentés dans leur isolement et leurs furtifs contacts. Un thème semi-autobiographique? L’attire aussi la forme post dramatique étonnamment moderne : « l’essentiel ce ne sont pas les événements, dit-il mais les discours sur les événements. La dimension subjective l’emporte sur la réalité … Porter cela à la scène…c’est un vrai exercice de schizophrénie « .

Ce drame social initial- le héros de Boon était un ouvrier et le « cas »  traité en 1955 était lié, notamment à la pédophilie-scandale absolu- est habilement « esthétisé » par Fabrice Murgia. Un peu comme dans le film « Lolita » où l’actrice n’a pas du tout l’air « impubère » la chanteuse qui joue la gamine est une belle « jeune femme ». Et dans la partie explicitement sexuelle ce sont de beaux mannequins qui prennent les poses équivoques, fantasmes plutôt que réalité. La technique habituelle de Fabrice, le renvoi de la scène au gros plan filmé trouve toute son efficacité, avec en outre  un ensemble de musiciens en arrière-fond visuel, ombre et lumière, qui deviennent à la fin  de chaque acte des acteurs à part entière (excellent Ensemble Spectra). La partition de Daan Janssens s’amuse de ce « thème et variations », très bien rythmé, des trois protagonistes à qui il réserve, outre le « parlando » devenu « traditionnel » en opéra contemporain, de très belles « mini-arias » qui les mettent en valeur. Ajoutez les lumières d’Enrico Bagnoli et le beau timbre des chanteurs (les sopranos Cécile Granger  et Tineke Van Ingelgem et le Baryton Raimund Nolte) : un ensemble très accessible et fort bien accueilli à la première à De Singel (Anvers), en avril 2017.

« Menuet » d’après L.P. Boon, livret et mise en scène Fabrice Murgia, musique Daan Janssens.

Au Théâtre National du 14 au 17 février.

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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