• Théâtre  • « A taste of poison » (Mossoux/Bonté) : un venin politique dans une chorégraphie étrange et drôle ***

« A taste of poison » (Mossoux/Bonté) : un venin politique dans une chorégraphie étrange et drôle ***

On vit une époque tellement révoltante, où les valeurs démocratiques minimales disparaissent dans un cynisme à visage découvert, que le théâtre et même la danse participent à la réflexion.

Dans le cas de la compagnie Mossoux-Bonté, ce n’est pas la première fois qu’ils dévoilent les faux semblants la comédie sociale.  » Histoire de l’Imposture  » remontait dans le temps pour dénoncer joyeusement les hypocrisies de la vie en société. Cela nous valait un défilé historique sur la mode, de la Renaissance à nos jours, entre nudité et parure excessive, avec une chorégraphie décalée et  humoristique.

Ici la satire est plus amère, plus féroce et surtout plus politique. Visuellement elle joue sur le contraste entre des  » scientifiques  » en uniforme blanc faisant subir 8 tests à des « victimes » habillées de couleurs vives. Des rôles interchangeables entre  » bourreaux  » et « victimes », 3 danseuses (Leslie Mannès, Frauke Mariën, Maxence Rey) et 2 danseurs (Harold Henning et Sébastien Jacobs), subtils et décalés,  évoluant en duos grinçants ou ensembles parodiques. Cela va de la torture incongrue de la bouche, étrange orifice, multi-symbolique, à la grâce de la chute ; de l’interrogation sur l’amour, la mort, le mal, la famille à des thèmes plus économiques : la compétition favorise-t-elle la création ? Le message est-il le medium ? Avec pour conclure un ensemble décalé et hilarant sur la pornographie. Mais ce n’est pas la conclusion, dommage.

Politique versus danse:un mélange risqué.

– © Thibault

La  » chute finale « , sous forme de refrain goguenard, pousse le bouchon politique un cran plus loin en rassemblant tous les lieux communs d’ actualité contre l’Amérique de Trump, jamais nommée mais toujours présente en filigrane: commerce des armes et de la drogue, populisme, pesticides, terrorisme, faim dans le monde…simple énumération comme un post-scriptum en forme de cabaret.

Les 8 « tests » initiaux jouent avec habileté sur le décalage entre le sérieux de la « science » et son utilisation perverse. On reste dans cette logique grinçante et élégante à la fois qui fait tout le charme des Mossoux-Bonté. La brève chute finale, trop chargée en idées simples, crée une rupture de ton et de rythme qui nuit à la logique et au charme initiaux. Mais que ce petit bémol (5 minutes sur 1H10) ne vous empêche pas de rentrer dans le jeu d’ensemble, très bien construit, où l’inquiétante étrangeté, vraie signature de la compagnie, s’insinue dans ce  » Taste of poison « .

 » A taste of poison « , Compagnie Mossoux-Bonté, à la Chapelle des Brigittines jusqu’au 4 mars puis en tournée.

Rencontre avec les artistes le 3 mars.

http://www.brigittines.be/fr/

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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