• Festivals  • Avignon  • Avignon 2021 : « La Cerisaie » de Tchékhov par Tiago Rodrigues, avec Isabelle Huppert et Adama Diop – Lioubov et Lopakhine.

Avignon 2021 : « La Cerisaie » de Tchékhov par Tiago Rodrigues, avec Isabelle Huppert et Adama Diop – Lioubov et Lopakhine.

La Cerisaie, la dernière pièce de Tchékhov avant sa mort précoce (44 ans) met en scène Lioubov, une femme dévastée par la perte de son fils. Elle revient sur ses terres, ruinée par un séjour à Paris mais le refuge familial va aggraver sa déprime puisqu’elle est obligée de revendre sa cerisaie à Lopakhine : un fils de moujik qui incarne les temps nouveaux où l’argent est plus important que la terre. 

Affrontement vigoureux et des demi-teintes familiales, La Cerisaie tente tous les grands de la mise en scène. Dans la Cour d’Honneur d’Avignon, ce lundi 5 juillet, le Portugais Tiago Rodrigues – nommé le jour même directeur du festival à partir de 2022 – affrontait donc un triple défi : honorer sa future direction, assumer la mise en scène d’un classique (lui qui a ébloui public et critiques par des textes personnels sensibles comme Sopro (Avignon 2017, Théâtre de Liège octobre 2020) et diriger l’immense actrice française : Isabelle Huppert. 

Pour des raisons de santé, je suivrai et partagerai ce Festival d’Avignon depuis la Belgique via des revues de presse de nos heureux collègues, avec leurs différents points de vue, critiques et analyses. La 75ème édition de ce Festival d’Avignon « déconfiné » est pleine à craquer (près de 2000 places en Cour d’Honneur !). Sur place : masque pour le public, double vaccination et un test récent pour seules mesures sanitaires.

Revue de Presse : La Cerisaie (Tchékhov), mise en scène Tiago Rodrigues. Avignon 2021

La plus vacharde, Eve Beauvallet, titre dans Libération : Gueule de bois. A Avignon, «la Cerisaie» sans l’eau de vie. Et s’explique sur Tiago Rodrigues : « Habituellement auteur de formidables réécritures et de montages de textes, metteur en scène laborantin, il choisit pour la première fois un classique sans rien toucher à la partition. On ne retrouvera donc pas sa façon de tricoter les mots entre récit et incarnation, mais pas non plus son art de flouter les frontières entre acteurs, narrateurs et personnages. A la place, une mise en scène de bon goût.» Elle concède : « les acteurs sont formidables ! Isabelle Huppert, magistrale, avec sa frivolité au bord du gouffre pour interpréter Lioubov… Adama Diop, implacable dans le rôle de Lopakhine, déployant dans l’espace évidé de la cour sa vengeance de classe après le rachat du domaine ! »

Dans Le Monde, Brigitte Salino se dit « éblouie par Adama Diop, un Lopakhine somptueux de rage et d’humanité contenue ». Quant à la mise en scène de Tiago Rodrigues elle la trouve à la fois, « libre, généreuse, et déroutante dans sa volonté de s’éloigner à tous crins du naturalisme » Son reproche principal : « dans la Cour, chaque personnage apparaît tel une pièce de marqueterie, ou l’élément d’un puzzle qui peine à se dessiner. Les comédiens manquent d’un geste de mise en scène apte à donner un élan collectif sauf à de rares moments. »

Fabienne Pascaud dans Télérama met le paquet sur le final éblouissant d’Isabelle Huppert. « Enfantine et déjà morte, agitée et désespérément immobile, planant sur une existence qu’elle ne désire plus, ayant la grâce de sangloter de très longues minutes sans être jamais ridicule, juste bouleversante ». Mais elle reproche au metteur en scène son manque d’empathie : « il n’y en a curieusement guère dans la mise en scène de Tiago Rodrigues, dont on a pourtant aimé la fervente douceur dans tant de spectacles. Pas de mélancolie pour cette aristocratie frivole qui entame son long déclin, pas de tendresse non plus pour le renouveau qu’incarne un Lopakhine bouillonnant d’énergie et déjà de violences.»

Ce qui déplaît tant à Libération plaît au critique du Figaro, Anthony Palou. Oserions-nous dire que cette mise en scène renoue avec l’esprit tchékhovien? Oui, on ose. Ici, pas de lourdeur, pas de pathos… C’est avec beaucoup d’émoi que nous avons vu Isabelle Huppert du côté de La Cerisaie. Elle y était chez elle. Peu dire que notre joie fut à la mesure de l’attente. À la fin de la pièce, les applaudissements furent plutôt tiédasses. Qu’importe. Osez, osez cette audacieuse Cerisaie.

Cette mise en scène revient en février 2022 au Théâtre de Liège. Qu’en pensent nos « envoyés spéciaux » ? Guy Duplat dans La Libre Belgique n’émet aucune critique mais titre  Le grand jour de Tiago Rodrigues, nouveau pape d’Avignon. Son commentaire : « Tous les acteurs sont parfaits même si le public n’a, à juste titre, d’yeux que pour la grande Isabelle Huppert. Dans une pièce de 2h30 où finalement il ne se passe pas grand-chose, tout est dans les analyses (des passions) humaines et la performance des acteurs. Tiago Rodrigues y ajoute la musique et les chants, drôles ou tendres. »

Jean-Marie Wynants dans Le Soir a vu « une Cerisaie tournée vers l’avenir et reposant sur un formidable acteur Adama Diop, interprétant Lopahkine, véritable moteur du récit. Souvent interprété comme un arriviste arrogant ce Lopakhine est d’une humanité et d’une justesse remarquables transformant le récit en un appel au changement, à l’invention de quelque chose de neuf. En ce sens, conclut J-M. Wynants, cette Cerisaie est une admirable réussite. Reste pourtant un rythme un peu trop étiré et cette fameuse Cour d’Honneur qui rigidifie un peu l’ensemble….Je me réjouis d’en découvrir la « version salle » forcément plus compacte et plus directe en février prochain au Théâtre de Liège. »

  • La Cerisaie de Tchékhov, mise en scène par Tiago Rodrigues en Cour d’Honneur d’Avignon jusqu’au 17 juillet. www.festival-avignon.com . (Diffusion le 9 juillet sur France 5, puis disponible sur Culturebox, la chaîne éphémère créée par France Télévisions pour soutenir le monde de la culture frappé par les fermetures liées à la pandémie de Covid-19 )

Distribution. Isabelle Huppert, Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Marcel Bozonnet, Océane Cairaty, Alex Descas, Adama Diop, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alison Valence et Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves (musiciens).

Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

POST A COMMENT