• Danse  • Charleroi/Danse/LEGS. L’héritage transformé. Josef Nadj, Robyn Orlin et héritiers. Sensible, raffiné.***

Charleroi/Danse/LEGS. L’héritage transformé. Josef Nadj, Robyn Orlin et héritiers. Sensible, raffiné.***

J’ai retrouvé hier à la Raffinerie de Molenbeek une vieille connaissance Josef Nadj, un Hongrois d’origine serbe, découvert au « 140 » dans les années 90, puis comme vedette d’Avignon et qui passe rarement en francophonie. Son univers onirique raffiné est fascinant. Basé sur le thème du « double » il est nourri cette fois de ses talents de photographe.  Visible 4 fois par jour (de 16 à 22H)  jusqu’au 6 avril.

Et j’ai découvert un jeune artiste congolais très doué qui dans  » Piki Piki  » évoque subtilement des conflits familiaux et des guerres civiles intériorisées.  Visible à « Legs » ce soir à 19H mais il collabore aussi avec Boris Charmatz.

« Legs » a la bonne idée de présenter chaque soir plusieurs spectacles au prix « bradé » de 5 euros !  Parfois dès 16 h le week end.

Avec la Directrice de Charleroi-Danses Annie Bozzini, un aperçu de sa logique, exemples à l’appui.

Interview d’Annie Bozzini, Directrice de Charleroi-Danses

Djino Alolo Sabin dans

Djino Alolo Sabin dans – © Studios Kabako

La philosophie de « Legs » ?

Annie Bozzini : « Legs » parle évidemment d’ « héritage » mais dans un sens assez ouvert, pas limité à la question : « qu’est-ce que le passé de la danse nous enseigne ». Notre festival s’intéresse non seulement à l’héritage de la danse classique mais aussi des traditions populaires (danses africaines traditionnelles ou françaises comme la … bourrée).

Josef Nadj, c’est votre « grand ancêtre », votre « référent » ?

On accompagne un changement de parcours pour Josef Nadj qu’on connaît surtout comme homme de théâtre et qui revient à ses premières amours les arts plastiques et en particulier la photo dans une tradition dite « hongroise » de noir et blanc.  Nadj est mondialement connu mais peu présent en Belgique francophone. Ici, il se frotte à une génération beaucoup plus jeune, venue d’autres continents. Dans « Mnémosyne« , il propose une performance de 20 minutes (4 fois par jour de 16 à 22 heures jusqu’au samedi 6 avril ) dans la « camera obscura », la boîte noire de la scène, « origine » métaphorique des photos autour de la scène, qu’on peut parcourir comme une exposition.

(NB Jade : Là aussi « dédoublement » puisque les photos renvoient au spectacle qui renvoie à l’expo, à ne pas rater)

Vous proposez aussi un Mini focus africain

Ce mini-focus existe dans toutes mes programmations depuis 15 ans. Les artistes africains font de plus en plus partie de la scène internationale à la fois dans leurs traditions et leur rapport à la création. La plus connue est Robyn Orlin, une blanche sud-africaine, militante anti-apartheid qui garde ce thème comme fil rouge de ses créations dans un sens plus large la lutte contre l’exclusion et  la difficulté à cohabiter ensemble. Ici dans  » Oh Louis… « , Louis XIV, fondateur de l’Académie de danse et de musique française est aussi le promoteur du « code noir » qui va légitimer l’esclavage. Orlin nous rafraîchit donc nos mémoires. Mais « Legs » présente aussi un jeune congolais peu connu, Djino Alolo Sabin, originaire de Kisangani qui appartient à la deuxième génération après Faustin Lyniekula. Dans « Piki Piki », il part de son histoire (un grand-père parti à la guerre et qui ne revient jamais, un père violent avec ses enfants ou en rue) pour parler de l’état du monde en particulier africain. Pour la forme, il a commencé avec le hip hop mais on l’a vu récemment auprès de Boris Charmatz et il possède une maîtrise et une souplesse très expressive de son corps qu’il met au service de ce qu’il a à dire par la danse.

Vous recommandez d’autres découvertes ?

La semaine prochaine il y a un très joli projet de Madeleine Fournier âgée d’une petite trentaine d’années. « Labourer » (5 avril) c’est un jeu de mot sur « la bourrée », le pas traditionnel paysan devenu une danse. Elle s’interroge sur les « lieux communs » de cette  danse. C’est fait avec des moyens modestes mais une pensée très claire et charmante. Au contraire, la Polonaise Ola Maciejewka, dans « Bombyx Mori » (6 avril) a travaillé sur une danse « historique », la « robe dansante »de Loie Fuller avec des tissus qui font mouvement autour du corps. Cette danse « serpentine », elle se l’approprie pour en faire quelque chose d’autre que l’original dont elle s’inspire. On est donc bien ici dans la thématique de « l’héritage » qui inspire « Legs » mais avec quelques petits chemins de traverse.

LEGS de Charleroi Danses à la Raffinerie jusqu’au 6 avril. 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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