• Théâtre  • Festival de Marseille 2016 : Jan Goossens, nouveau directeur, dresse son bilan bruxellois, au KVS, et esquisse son avenir marseillais.

Festival de Marseille 2016 : Jan Goossens, nouveau directeur, dresse son bilan bruxellois, au KVS, et esquisse son avenir marseillais.

Jan Goossens vient de se voir attribuer, conjointement avec Jean-Louis Colinet, le Prix d’Honneur de la Critique Théâtre/Danse, qui leur sera remis le 3 octobre au Théâtre National, en même temps qu’à 14 autres lauréats. L’occasion pour lui de faire le point sur ses années KVS et ses ambitions marseillaises. (voir interview ci-dessous).

Pour le programme de ce Festival de Marseille, je vous renvoie au site http://festivaldemarseille.com/ Commencé le 24 juin, ce festival de danse (principalement) se termine le 19 juillet, chevauchant d’autres grands festivals de la région, comme Montpellier Danse ou Avignon. Il étonnera les Marseillais mais pas les Bruxellois qui y retrouveront des vedettes du KVS Peter Sellars, Aka Moon, Alain Platel, mais aussi du KFDA comme Britt Bailey, Lemi Ponifasio, Jérôme Bel, Marlène Monteiro Freitas, Lisbeth Gruwez (présente  cette année à Avignon et Marseille). Avec un accent mis sur la production arabe, marocaine et libanaise, Rahouane El Meddeb, Taoufik Izediou ou congolaise (Kinshasa Electric de Uwe Sickle). Avec aussi une collaboration avec le festival d’Aix pour un opéra en langue arabe, Kalila Wa Dimna.

Sur ses années KVS et sa collaboration active avec Jean-Louis Colinet, directeur du Théâtre National, sur ses ambitions à Marseille, voici ses réflexions.

Interview.

(JG=Jan Goossens ; CJ =Christian Jade)

CJ : Quels enseignements tirez-vous de votre collaboration fructueuse avec Jean-Louis Colinet ? Par hasard vous quittez tous les deux une fonction théâtrale centrale à Bruxelles pour deux villes méditerranéennes, vous Marseille, lui Naples.

JG : Même si le cadre politique ne nous est pas favorable ces temps-ci, je crois que nous avons tous deux prouvé qu’il y a moyen de changer l’ADN des grandes institutions culturelles à Bruxelles. Il fallait un changement de taille à Bruxelles afin de trouver les outils indispensables au reflet de notre vie urbaine culturelle. Au départ, deux théâtres – le théâtre flamand et le théâtre wallon – ont toujours scindé la ville culturelle. Ils n’avaient aucun lien l’un avec l’autre. C’était comme ça. Puis tout a commencé à se transformer, et cela continue aujourd’hui: les bonnes idées, les convictions, le courage, la foi, le visage politique, etc. L’un des moteurs principaux de ce changement vient d’un accord culturel récent entre les deux  communautés.

CJ : Ça a commencé doucement. Et puis en 5 ans tout s’est transformé. On dirait que Jean-Louis et vous avez une ouverture commune, avec le sens du symbole et du « comment faire », pragmatique.

 JG : Nous avons commencé à petits pas, en toute modestie. Au départ, nous avions un petit festival et quelques coproductions. Nous avons donc gagné la confiance des artistes et des publics. Suite à ces premiers succès, nous avons voulu une collaboration plus profonde et plus ambitieuse. Notre objectif commun est devenu un théâtre de ville bruxellois, imaginaire mais toujours ancré dans le réel. Donc la nature et la force de cette collaboration est symbolique au regard du paysage bruxellois. Au-delà, il s’agit de véritables convictions artistiques et politiques communes. Elles convergent autour de certains artistes, d’un savoir-faire symbolique et d’un ancrage fort dans les sujets qui touchent le monde d’aujourd’hui. Cela nous donne une certaine visibilité. Tant et si bien qu’aujourd’hui très peu de personnes peuvent s’imaginer que ces deux théâtres puissent un jour ne plus travailler ensemble.

CJ : Ca a très bien fonctionné à Bruxelles. A Marseille, ville métissée encore plus compliquée, vous affrontez un autre défi ?

JG : A Marseille, on repart de zéro, tout est à reconstruire. C’est  déconcertant et fantastique à la fois et ça nous rend « modeste ». Jusqu’ici le Festival de Marseille, reposait sur  la danse et des accueils internationaux, plutôt occidentaux. J’ai envie d’élargir l’international, au-delà de l’Occident, de jouer un vrai rôle dans le bassin méditerranéen, en relation avec le Moyen-Orient et avec le Sud. Pour tout ça, Marseille est incroyablement bien situé. Il faudra créer des partenariats, au-delà du simple accueil, avec des opérateurs culturels au Maroc et à Naples, dirigé par  Jean-Louis Colinet. Ensuite nous aurons besoin d’une mise en réseau plus importante et d’un appel systématique  aux coproducteurs. Mon ambition est de faire de ce festival un des moteurs culturels en  France, mais aussi en  Méditerranée, en Europe du Nord et du Sud. C’est un défi énorme, je le sens.

CJ : Votre festival a lieu dans le même créneau saisonnier (juin/juillet) que Montpellier/Danse, Avignon, Aix et Arles Vous avez quelles cartes dans votre jeu ? Rivalité ou complémentarité ?

JG : Cela ne sert à rien d’être dans des rapports de concurrence avec d’autres festivals. J’ai déjà noué de bonnes relations avec Jean-Paul Montanari  (Directeur de Montpellier Danse) et avec l’équipe d’Olivier Py à Avignon. Cette année il y a deux co-présentations avec Bernard Foccroulle à Aix-en-Provence. Je discute avec le nouveau directeur des rencontres de la photographie à Arles. Tous ces partenaires vont me permettre  de renforcer le festival de Marseille. Pour Avignon, nous parlons d’un focus spécifique à certaines régions du monde. Avec Arles, il y a une véritable curiosité autour de certains artistes.

Mais je tiens à notre singularité. Montpellier c’est la danse, Aix-en-Provence, l’opéra  et  Avignon essentiellement le théâtre. Nous essayons de créer un festival multidisciplinaire urbain connecté à la ville de Marseille. C’est là que tout prend sens : parler au public marseillais et même au-delà. Et puis Avignon sera toujours Avignon. Et faire de la danse à Montpellier ça me va très bien !

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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