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Frie Leysen, créatrice du Kunstenfestivaldesarts : hommage

Il y a deux ans les Prix de la Critique, pas encore « Maeterlinck », rendaient hommage à la créatrice du Kunstenfestival des Arts, Frie Leysen en lui attribuant le Prix Bernadette Abraté, pour l’ensemble de sa carrière. Elle avait 68 ans.

 

Nous ne pouvions nous douter que cette fumeuse de gitanes au sourire irrésistible, à la pensée vibrante et provocante, à la curiosité insatiable allait nous laisser en rade deux ans plus tard, l’année où « son » festival était saboté pour la première fois depuis 1994 par la catastrophe mondiale de la Covid 19. Sa mort est un choc. Place aux souvenirs.

1994 : pour les francophones bruxellois amateurs de théâtre, quelle (bonne) surprise de voir débarquer cette Flamande volontaire et ouverte, ex-directrice du Singel (une institution anversoise qu’elle avait secouée) .

Frie affirmait tranquillement que notre « capitale » avait besoin d’un festival de théâtre de prestige, bicommunautaire et international. Au scepticisme des uns (les francophones), à l’hostilité des autres (beaucoup de Flamands), elle opposa une énergie indomptable, une soif d’univers autres et un sens politique redoutable. Dès ses premières années, elle nous fit connaître le Suisse Christoph Marthaler, le Sud-Africain William Kentridge, l’Italien Roméo Castellucci, des novateurs dérangeants… et peu connus en cette fin du XXè siècle.

plus d’infos sur le site officiel du KFDA

Bernard Foccroulle, directeur de la Monnaie offrit des mises en scène à ses « recrues », les directeurs du Festival d’Avignon, Bernard Faivre d’Arcier et Vincent Baudriller vinrent se ressourcer auprès du Kunsten. Et puis, au bout de 12 ans de feu d’artifice annuel, Frie décida d’aller voir ailleurs : comme elle avait quitté le Singel, elle quitta le KFDA pour ne pas s’encroûter et vivre d’autre aventures.

Il y a deux ans, pour la remise du Prix Abraté au 140 elle nous a gratifié d’un discours à son image, fort, drôle, lucide, généreux, radical. Comme un autoportrait vibrant et passionné dont voici quelques extraits.

« Je suis très heureuse de recevoir ce Prix de la critique francophone en tant que Flamande portant un projet international et bicommunautaire, ce qui dans les années 90 était rare. Je suis heureuse de ce Prix parce que le Kunstenfestival c’est un vrai projet belge. Nulle part au monde un projet de cette ampleur ne pourrait voir le jour sans argent privé, ni en France, ni en Allemagne. Ici dans cette Belgique bordélique… c’est possible. Il y a plein de raisons d’être heureuse de recevoir ce prix mais surtout parce qu’il honore les valeurs que nous avons défendues : l’exigence, la générosité, l’humanité et la chaleur, l’ouverture vers des cultures non européennes, la création contemporaine et les risques qui « viennent avec » :  le non-conformisme, les perspectives multiples et surtout l’indépendance. Mais surtout ce prix honore le contre-courant. On ne voulait plaire ni aux autorités, ni au public, ni à la presse ni aux professionnels. On voulait toucher là où ça fait mal, inviter à penser indépendamment, refuser de suivre nos politiciens aveuglément et refuser ce climat de peur créé par le monde politique « 

Les images de ce discours beau et fort ont disparu mais nous avons retrouvé des traces de celui de Roméo Castellucci, un poète dérangeant de la mise en scène saluant cette tête chercheuse de la programmation. Il aura les derniers mots d’estime et d’amitié que nous devons à Frie Leysen.

Romeo Castellucci, metteur en scène, homme de théâtre, plasticien et scénographe italien, salue l’importance que Frie Leysen a eu sur son travail, le questionnement intense et profond qui l’animait, et la radicalité « linguistique » voire politique qui lui a permis d’influencer le théâtre contemporain.

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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