• Théâtre  • KFDA 2016. Carnets de route/3. Un Américain marginal et une foule de propositions.

KFDA 2016. Carnets de route/3. Un Américain marginal et une foule de propositions.

Richard Maxwell, qui signe « The Evening », est un auteur et metteur en scène de théâtre expérimental, très apprécié de la scène underground new yorkaise. Il travaille sur des « archétypes », distinguant la personne de l’acteur de son personnage.  Pas vraiment neuve cette optique, depuis le fameux « paradoxe sur le comédien » de Diderot  et son dogme « moins on sent, plus on fait sentir« . Mais au pays de l’Actor’s Studio cette pratique est une petite révolution qui permet de ne pas trop se soucier de la vraisemblance du récit, de sauter d’un sujet à l’autre en toute bonne humeur. Et d’introduire  soudain des musiciens qui  vont transformer la représentation en comédie musicale bon enfant.

Soit trois paumés éternels, mais très « américains » un look négligé  dans un décor sinistre. L’éternel féminin, la « pute au grand cœur » c’est Cammisa, ici barmaid, qui arrose d’alcool ses compagnons d’infortune. A ses côtés Brian, le guerrier, boxeur sur le retour, son pitoyable amant au visage tuméfié. Et puis Jim, le manager corrompu de Brian, plus ou moins amoureux de Cammisa. S’en suivra d’ailleurs une énorme bagarre entre les deux mecs. Puis Cammmisa flinguera tour à tour les deux mais …. « pour rire » puisque le sang provient d’un artifice de théâtre dévoilé.

Elle est aussi, dans l’introduction, le porte-parole de l’auteur, rendant  hommage à un vieil homme mourant, le père de Maxwell, dont la pièce est une sorte  d’hommage funèbre. Sa lecture « unemotional » donne le « la » d’une pièce au désordre très étudié. Enfin  Cammisa  veut fuir ce monde médiocre où elle vit pour filer à Istambul, leitmotiv du lointain  inaccessible. Le thème de la fuite vers une grande ville mythique ça peut évoquer le Moscou de Tchékhov …ou le Purgatoire de Dante. Le final  voit en effet disparaître dans un nuage suffocant et les éléments du décor et les acteurs sauf Cammisa, dont l’autre prénom Béatrice semble annonce la plongée dans un autre monde.

Tout cela peut paraître artificiel et « tiré par les cheveux ». Mais la force des acteurs, façon Diderot, et l’intelligence de la mise en scène nous  aident  à vivre  à la fois dans cette apparente médiocrité de la middle class américaine et de la vivre à distance, par l’humour, le jeu déjanté et la musique qui infiltre le tout. Bel exercice de théâtre de « limite » qui peut faire sourire le public  » intello  » sans larguer les autres.

 « The Evening »( Richard Maxwell) jusqu’au 15 mai. (KFDA/Théâtre National)

Le KFDA et le goût des expériences/limite.

 Decoratelier.

Le projet de Josef Wouters est une de ces folies utopiques qui font du bien. Soit un thème, l’Infini mais appliqué à un lieu  » fini  » un théâtre et son bâtiment. Intérieur et extérieur ; fermeture et ouverture.  Sur cette première  » couche  » Wouters en ajoute une deuxième, historique : l’utilisation du  » décor  » depuis Servandoni fasciné au XVIIIè siècle par les  » spectacles de machines  » jusqu’à Wouters lui-même redécouvrant Thierry Bosquet et ses fameux décors rococo du Théâtre du Parc. Sauf qu’ici Bosquet représente le port d’Anvers et ses docks à containers ! Hilarant. La narration en anglais surtitré est délicieuse. Et les paradoxes aussi qui ne manquent pas sur 15 univers visuels. Comme celui de Wim Cuyversqui nous inflige une description de plusieurs lieux mythiques que noçus lisons sur un immense écran géant qui défile. Tout n’est pas génial mais le projet est drôle, intelligent et bienvenu.

Decoratelier, jusqu’au 15 mai (KVS)

 

A possibility of abstraction (Germain Kruip, Kaaitheater)jusqu’au 15 mai ;

Dans la même perspective il ne faut pas rater au Kaai le court exercice de Germaine Kruip

Ne pas y allez pour un spectacle  » raconté  » mais pour une belle  » installation  » (55 mn) qui nous oblige à réfléchir sur le  » lieu  » théâtre et  son architecture paradoxale. Par le contraste entre la lumière, sa disparition, dans la salle et sur la scène et le jeu sur le noir et les formes géométriques elle nous oblige nous public à sentir l’artifice et la nécessité de notre présence. La scène apparemment ne présente que des objets géométriques lumineux presque sans couleurs) parfois douloureux pour l’œil. A une époque où on cherche à impliquer le public dans la mise en scène on a ici une façon ludique net intelligente à nous impliquer  » en douce « . Brillant .

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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