• Théâtre  • LA MONNAIE 2024/25. UNE FIN DE « RING » SANS CASTELLUCI. PIERRE AUDI, DIRECTEUR DU FESTIVAL D’AIX, SAUVE LA MISE.

LA MONNAIE 2024/25. UNE FIN DE « RING » SANS CASTELLUCI. PIERRE AUDI, DIRECTEUR DU FESTIVAL D’AIX, SAUVE LA MISE.

Le public nombreux réuni pour l’annonce de la dernière saison de Peter de Caluwe n’en croyait pas ses oreilles. Le Ring de Wagner que tout metteur en scène confirmé et tout directeur d’opéra rêve de mettre « une fois » dans sa vie à son actif, a failli capoter. Peter de Caluwe, pour ses deux dernières années de direction, avait sagement réparti la tétralogie sur deux saisons et confié l’ensemble au redoutable metteur en scène Roméo Castellucci, un habitué des lieux qui aime « déranger ». Les deux premiers volets avaient séduit et public et critique. Et puis à 5 jours de la conférence de presse, crac le ciel tombe sur la tête du directeur. Eclairage.

Un addendum de dernière minute (baptisé « erratum ») ajouté au programme annuel (imprimé depuis longtemps), nous explique en termes diplomatiques les raisons de ce cauchemar et la solution miraculeuse trouvée. 

Rappel : Un Ring classique est présenté d’un coup, la même saison, dans un décor, des costumes et une mise en scène « globaux » qui permettent de mesurer le coût d’ensemble. Ici Roméo Castellucci a précisé d’emblée que chaque mise en scène aurait une logique différente, une évidence apparue déjà entre « L’anneau des Nibelungen » et « La Walkyrie » Soudain le drame. Explication officielle 

« Comme nous l’avions indiqué, l’équipe de Romeo Castellucci prévoyait une approche artistique distincte pour chaque titre : la réalisation d’un long métrage impliquant une technologie encore inexplorée pour Siegfried, et un double projet mêlant opéra et théâtre pour Götterdämmerung, le volet final. Après plusieurs mois de préparation, de recherche et d’étude, force a été de constater que nous étions dans l’incapacité de monter ces projets dans les délais et le cadre budgétaire impartis.

C’est avec un immense regret que Romeo et ses collaborateurs, ainsi que les équipes de la Monnaie, sont arrivés à cette inévitable conclusion. Nous espérons tous que ce projet ambitieux pourra un jour être mené à son terme. »

 Et la solution miracle :

« La Monnaie a malgré tout décidé de poursuivre la Tétralogie avec l’ensemble des effectifs du Théâtre, la distribution annoncée et son directeur musical. Après mûre réflexion, nous avons décidé de confier la mise en scène des deux derniers titres à Pierre Audi. Nous lui sommes extrêmement reconnaissants d’avoir accepté ce défi dans des délais aussi courts et avec une telle contrainte de temps. Pierre travaillera avec une nouvelle équipe de production, comprenant Michael Simon pour les décors et Petra Reinhardt pour les costumes. »

En bref monter un Ring est une énorme dépense et 4 mises en scènes différentes augmentent les frais imprévisibles. Le budget initial de Castellucci a été dépassé en plein milieu de l’entreprise. Cela aurait pu entraîner soit une annulation soit une version de concert puisque les solistes et le chef d’orchestre ont été programmés plusieurs années à l’avance. 

Or Pierre Audi est l’ancien patron de Peter de Caluwe au Nederlandse Opera d’Amsterdam, il a mis en scène avec lui un Ring en 1998, repris en 2005 et il a été souvent invité à la Monnaie comme metteur en scène. Une belle complicité MAIS depuis lors il dirige le Festival d’Aix-en Provence qui débute… le 3 juillet ! Diriger un festival et improviser un opéra aussi touffu que Siegfried début septembre est une sorte de folie, suivie, début février par une autre Le crépuscule des dieux

Grâce soit rendue à Peter et Pierre qui « osent » un énorme pari. Merci messieurs. Clin d’œil (ou vengeance ?) des dieux : Peter de Caluwe avait placé tout son programme 2024/25 sous le signe «DARE», « oser » en anglais. DARE to…  act, dream, change, lead, love, etc. La standing ovation de plusieurs minutes qui a suivi sa présentation de sa saison perturbée marquait un énorme respect pour le travail accompli depuis 2007, couronné par cette audace et ce sens de l’improvisation ultimes.

Le reste de la saison à consulter sur https://www.lamonnaiedemunt.be/fr se caractérise par une ouverture permanente vers la création d’opéras contemporains dont une version opéra de Fanny and Alexander (de Bergman) mise en scène par Ivo Van Hove avec Anne Sophie von Otter. Et une Bovary mise en scène par le directeur du KVS Michael De Cock.

La poursuite de la marotte du patron :la réunion de plusieurs opéras du répertoire parfois pour refaire une autre histoire. Comme Bastarda (un cocktail Donizetti autour d’Elisabeth 1) ou Rivoluzione  e Nostalgisa (les jeunes Verdi mis en perspective mai 68). 

Cette fois les trois opéras de Monteverdi (Orfeo, Il retorno d’Ulisse in patria et L’incoronazione di Poppea) seront retravaillés pour décrire les contradictions d’une famille actuelle. Ces Grotteschi bénéficieront de l’arrangement et de la direction musicale de Leonardo Garcia Alarcon.

En fin de saison une version un peu iconoclaste de Carmen de Bizet mise en scène par Dimitri Tcherniakov et dirigée par Nathalie Stutzman crée à Aix-en -Provence en 2017.

Riche, audacieuse et risquée la saison 24/25 de La Monnaie. As usual.

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