• Théâtre  • « La vedette du quartier » (Riton Liebman):casse-gueule, la gloire.***

« La vedette du quartier » (Riton Liebman):casse-gueule, la gloire.***

Riton Liebman c’est un peu comme un bouchon de champagne. Sa « Vedette de quartier »  vous explose au visage (danger?), mais derrière c’est plein de jolies bulles, mousse éphémère ou promesse de bonheur ? On en sort léger, entre mélancolie d’un passé révolu -le déclin festif du XXe siècle- et joie d’avoir vécu un moment d’autodérision tonique.

Ah vous rêviez de grandeur ? Et bien sachez que le plancher des vaches est dur quand on tombe de si haut : avoir fêté ses 13 ans, au cinéma, dans le lit de Carol Laure (la Bardot canadienne des années 75/80) et se retrouver-40 ans plus tard- à faire le pitre au Théâtre de Poche avec femme et enfant à nourrir…. Dur, dur mais pas désespéré du tout. Plutôt ravigotant, ce trop plein d’énergie après une gloire éphémère et des échecs à la pelle.

Riton Liebman, en grande forme humoristique, nous fait revivre sa vie, un sujet inépuisable, et une époque, les années folles d’après 1968, où tout semblait permis et promis. L’hommage au père, Marcel, professeur d’histoire à l’ULB, vedette intellectuelle des seventies, juif de gauche pro-palestinien, a fait l’objet d’un excellent « Liebman renégat« , lauréat des Prix de la Critique 2015. La focale est mise ici sur l’ado Riton et sa chance inouïe, à 13 ans, de réussir un casting pour un film culte « Préparez vos mouchoirs« , Oscar du meilleur film étranger en 1979. Le cinéaste Bertrand Blier fait de Riton une vedette aux côtés de ses « rivaux » Gérard Depardieu et Patrick Dewaere, dont il triomphe dans le cœur…et le corps de Carole Laure. Riton ne se remettra jamais de ce premier  succès sans lendemain, qui en fait une vedette…de quartier. Il aura beau foncer à Paris à 17 ans, fréquenter toutes les grandes vedettes du show-biz aux célébrissimes Bains Douches et obtenir des seconds rôles dans « Allons z’enfants » d’Yves Boisset ou  » Aldo et Junior  » d’Aldo Maccione, l’ambition se racrapote et la drogue s’installe. Et la carrière se plante.

La mise en scène sobre et efficace de Jean-Michel Van den Eeyden est basée sur un flash back à partir de la mort imaginaire du héros. Chambre d’hôpital ou chambre de bonne ? Des extraits de films permettent d’illustrer l’évolution de la gloire initiale à la chute finale dans les rigoles du cinéma porno léger. Mais le plaisir vient d’abord de la performance d’acteur/écrivain qui raconte son histoire avec une distanciation amusée et une capacité instinctive de séduire son public. Il y a chez Riton Liebman un cabotin charmeur dont la limite, avouée, est un léger excès de narcissisme. « Faute » avouée bien vite pardonnée. Il nous annonce deux autres épisodes sur le même sujet,  « moi je » ou la « thérapie comique » avec comme centre, notamment, sa cure de désintoxication. Même s’il ne parle que de lui, Riton Liebman raconte, au passage, toute une époque. Et qu’il aborde l’image du père, son adolescence, ses mirages de gloire ou l’humiliation de la drogue, la manière dont il en parle nous permet de nous projeter dans son histoire, qui est un peu la nôtre. Le secret d’une belle réussite.

« La vedette du quartier » (Riton Liebman), m.e.s Jean-Michel Van den Eeyden.Au Théâtre de Poche jusqu’au 31 décembre…inclus.

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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