• Théâtre  • Les dactylos et le Tigre » au Boson : les couples carnassiers.

Les dactylos et le Tigre » au Boson : les couples carnassiers.

Critique :

La recette de Bruno Emsens, fondateur et metteur en scène de ce petit lieu charmant, le Boson (40 spectateurs), fondé il a 3 ans,  est simple : mettre ensemble un homme et une femme appartenant à des « familles d’acteurs » belges différentes. Et faire jaillir de cette confrontation des étincelles dont le  » foyer  » serait…le couple, généralement psychanalysé, en alternance, par des auteurs anglo-saxons ou français des années 70 à aujourd’hui. Le tout avec des techniques de style Actor’s studio rafraîchi par Meisner et Larry Silverberg.

On a pu voir successivement, avec grand plaisir, Florence Hebbelynck  dans « Trahisons de Pinter et « L’Aide Mémoire » de Jean-Claude Carrière, avec le Français Michel Scotto ; Benoît Verhaert et Patrice Mincke (¨Pour un oui pour un non  » de Nathalie Sarraute);Jo Deseure et Christian Crahay ( » L’Homme de hasard  » de Yasmina Reza), Catherine Salée et Benoît Van Dorslaer dans  » Trois ruptures  » de Rémi De Vos. De grands formats .Avec des nominations aux Prix de la critique pour Florence Hebbelynck et Catherine Salée.

Cette année les « fauves » choisis sont Nicolas Luçon plutôt de la famille Armel Roussel (nominé meilleur acteur en 2011 pour « Ivanov  Remix ») avec une  passion pour le Suisse rêveur Robert Walser qu’il met en scène. Face à lui Julie Deroisin, plutôt douée pour le comique puisque sa famille c’est le TTO et Dominique Bréda (jeune espoir féminin 2009 pour « Bovary » de Breda et « Cendrillon, ce macho » de Minestru).

Le repas des fauves : deux petites pièces d’une heure de l’Américain Murray Schisgal souvent jouées en parallèle et en contraste.  » Les dactylos  » proposent un couple de ratés adorables, assis devant leur machine à écrire vintage, dont le rythme maladroit, laborieux, est comme la petite musique, de la pièce. Elle est célibataire, vivant toujours chez sa maman mais rêvant du prince charmant, à épouser illico, dès le premier baiser. Lui est prisonnier d’un mariage qu’il n’a pas voulu mais dont il est bien incapable de se délivrer. Il étudie le droit en cours du soir, espoir d’ascension sociale. .Aucun des deux n’est capable de trouver son  bonheur dans ce métier médiocre au patron menaçant. Le fonctionnement de ce couple moyen/minable permet à Nicolas Luçon de jouer son adolescent rêveur, maladroit, touchant : il transcende le réalisme à l’américaine par ses allures de clown triste. De même Julie Deroisin dévoile une palette de comédienne fragile, aussi pathétique que drôle, comme un petit oiseau sur la branche. Finalement un happy end se dessine mais  ces « gentils », ces victimes de la société ont des cris de rage qui préparent à la 2 è partie « Le Tigre ». Changement de décor : Luçon devient une sorte de sadique emportant dans sa piaule une femme ligotée. Mais petit à petit ils s’apprivoisent et le bourreau devient victime de lui-même. La violence, si peu finalement, même verbale a du mal à passer par le corps et la voix des acteurs. Le rôle de Julie se réduit comme peau de chagrin. Et celui de Nicolas, omniprésent, épouse difficilement la stature d’un prédateur.

Au total une belle performance initiale, qui peine à convaincre dans sa deuxième partie. La faute au texte choisi par Bruno Emsens, « Le Tigre » ou à sa mise en scène ? En tout cas les acteurs, très à l’aise dans « Les Dactylos » ont de la peine à défendre un tigre de papier, assez artificiel.

 » Les Dactylos et le Tigre  » de Murray Schisgal, m.e.s Bruno Emsens.

Au « Boson » jusqu’au 29 octobre. Puis du 8 au 18 novembre. http://www.leboson.be/fr/

Christian Jade (RTBF.be).

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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