• Théâtre  • 50 ans de Poche: la fête au théâtre. L’interview d’Olivier Blin, nouveau patron.

50 ans de Poche: la fête au théâtre. L’interview d’Olivier Blin, nouveau patron.

Le Théâtre de Poche fête demain, samedi 17 septembre, les 50 ans de son installation au Bois de la Cambre, par Roger Domani et Roland Mahauden. Depuis cette année  Olivier Blin, poursuit  » l’œuvre « .  Ancien directeur de la  » Charge du Rhinocéros « , une association de diffusion de spectacles dans toute la francophonie et notamment en Avignon et en Afrique noire, il a d’abord appris son métier au Poche à 23 ans. Une longue interview d’Olivier Blin explique ces trois filiations et la situation actuelle.

La fête d’abord : demain samedi de 16H30 à l’aube : voir les détails sur le site du Poche. Avec des abos moitié prix. !!http://www.poche.be/

Le programme de la saison : 9 créations « militantes » bien dans l’’esprit maison traitant des problèmes de société, de jeunes en déroute, de réfugiés floués par des passeurs ignobles. Sur le mode tragique, façon de Trainspotting. Ou sur le mode humoristique, façon Riton Liebman angoissé par sa mort, Inbal Yalon faisant l’histoire du clitoris en élégance ou le jeune Rhoda s’interrogeant avec humour sur son identité …musulmane.

 http://poche.be/saison.php

 

Interview d’Olivier Blin(OB) par Christian Jade(CJ) et Nicolas Naizy(NN)

On the road..a de et par Roda. Une itinérance identitaire.

On the road..a de et par Roda. Une itinérance identitaire. – © DR

(Dans le cadre de l’émission de Radio Campus/ULB/  » La Conspiration des planches « )

C.J : Tu te veux « continuateur » et « héritier » de « l’esprit Poche ». Mais au départ Roger Domani s’intéressait plus à l’esthétique et à la morale nouvelle qu’à la politique. Roland Mahauden raffolait des débats de société avec une fascination pour l’Afrique. Tu te situes où ?

OB:Je suis un peu l’héritier des deux « révolutions ». Des  engagements identiques, des chemins esthétiques un peu différents dans la façon d’appréhender l’acte théâtral et le monde. Pour moi, Mahauden et Domani ont en commun d’être deux « pirates ». Même leur rencontre, la passation de flambeau l’un à l’autre, est un acte de piraterie. Ils se sont rencontrés au Congo et menaient alors tous les deux des vies d’aventure. Ensemble ils ont rassemblé des danseurs d’ethnies différentes autour d’un projet artistique tel que le Ballet National Folklorique du Congo. Ils venaient de deux domaines bien différents,  Roger, du théâtre, Roland de l’armée. Familialement rien ne les prédestinait au théâtre non plus. Ils ont dû créer le théâtre tout seuls, sur le tas. Moi-même, je ne viens pas de ce monde-là. Mon intérêt m’est venu de la rencontre avec Mahauden lorsque j’avais 23-24 ans. Je viens plutôt du chant, de la coopération internationale et du journalisme appris à l’ULB.  Chacun dans son style, Roger, Roland et moi nous sommes des  » aventuriers « , pas des  » spécialistes ». Dans quelques années il faudra peut-être un diplome de gestionnaire spécialisé pour devenir directeur d’un théâtre. On va y perde un peu de poésie.

NN : En interne, la dernière saison du Poche n’a pas été des plus simples avec une direction contestée. Tu arrives dans ce contexte compliqué. Comment t’y es-tu pris pour la nouvelle saison ?

OB:La procédure a été longue dans la recherche d’une nouvelle direction pour le Théâtre de Poche. J’avais peut-être un avantage, je connaissais vraiment bien l’équipe, que j’ai réunie 2-3 fois et tout a été dit et évoqué. J’arrivais avec un projet particulier et je ne pouvais pas le faire tout seul. Il fallait que tout le monde  » colle  » à ce projet. Mon champ d’action était relativement libre vis-à-vis de cette saison. La grosse difficulté pour moi a été de composer cette saison en 2 mois. Il me semble que la cohérence entre les sujets s’y retrouve. Nous retrouvons une « mosaïque de personnalités ».

NN : Dans un livre de Laurent Ancion sur les 10 ans de La charge du Rhinocéros Ivan Fox met entre guillemets ton statut d’ « homme d’affaires de la culture ». Le Théâtre National a choisi lui un « artiste « , Fabrice Murgia. Comment envisages-tu cette fonction de directeur de théâtre par rapport aux artistes ?

OB:Il faudrait redéfinir la notion d’artiste. Je ne monte pas sur le plateau et je ne suis pas non plus un metteur en scène. Mais j’aime cette forme de grand jeu: j’ai envie que ça fonctionne et je peux me décarcasser pour cela. Ce faisant, je réinvente parfois les mécanismes de production théâtrale et le rapport au subventionnement. Pour la Charge du Rhinocéros la plupart du financement vient d’autre part que du Ministère de la Culture, notamment de la vente de spectacles à l’international, avec l’aide d’autres ministères, chargés de cette diffusion. C’est relativement moderne et nécessaire aujourd’hui, dans une conjoncture qui pas très bonne : j’ai l’impression d’être dans la peau d’un « passeur » car je prends de la distance, j’écoute, j’essaie que tout puisse se réaliser et j’ouvre le plus possible et le plus longtemps possible le plateau à la parole des artistes

CJ: Que devient La Charge du Rhinocéros ? L’as-tu tout à fait abandonnée ? Si elle subsiste, sous quelle forme ?

OB:J’ai passé la main à une directrice, Isabelle Paternotte. Pour quelques mois encore, j’appartiens au Conseil d’administration de cette association, suffisamment financée pour se passer de moi. Elle produit et diffuse 15 spectacles par année avec 500 représentations en Belgique et à l’étranger, sans compter sa présence au festival d’Avignon. Tous ces événements nourrissent l’engagement des comédiens, ouvrent des réseaux et assurent sa pérennité. Je trouve que les institutions théâtrales pourraient parfois mieux revendiquer la paternité des œuvres qu’elles créent ou quelles accueillent et s’occuper de la diffusion internationale des jeunes compagnies. Si je pouvais prendre une décision seul pour le Théâtre de Poche, structure de création bruxelloise, j’y associerais  une entreprise telle que La Charge du Rhinocéros, qui fait de la diffusion internationale, avec entre autres des créations du Théâtre de Poche. Nous nous inscririons ainsi tout de suite dans des perspectives avignonnaises, internationales ou dans de tous petits lieux perdus au fin fond de la France ou ailleurs. Un spectacle comme M’appelle Mohamed Ali que nous avons récemment produit au festival d’Avignon, s’est répandu en Afrique via des circuits d’instituts français. En sortant d’Avignon, nous avons fait 40 jours de tournée dans 16 pays d’Afrique. C’est formidable !

CJ : Dans le futur contrat programme du Poche, tu comptes négocier une part de visibilité des (co)productions du Théâtre de Poche sur Avignon ou ailleurs dans le monde via La charge du Rhinocéros, pour rendre le Poche le rendre plus international, plus visible ?

OB:Oui, pour moi cela devrait être intégré dans le contrat programme du Théâtre de Poche. J’ai envie de ça. Et cela pourrait bien être la seule modification que j’y apporterais car, pour le reste, le répertoire restera le même. Il y a un article sur les rapports Nord-Sud, et particulièrement sur le Congo où je développe une grosse activité. Il y a un rapport à l’auteur belge auquel je ne dois pas toucher. C’est important. Ce n’est pas parce qu’on habite dans une petite cartoucherie bruxelloise qu’on ne doit pas partir de temps en temps en voyage. Mon sens du voyage a beaucoup changé. Avant j’arrivais à m’évader 3 mois, aujourd’hui je fais des voyages de plus en plus courts, 3-4-5 jours avec des buts bien précis.

Christian Jade (RTBF.be)

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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