• Théâtre  • « Exit » de Fausto Paravidino: un petit miracle d’humour féroce sur le couple ***

« Exit » de Fausto Paravidino: un petit miracle d’humour féroce sur le couple ***

Quoi de plus banal, à la fois énervant et désopilant, tragique parfois, qu’un couple qui éclate, cette bombe au quotidien? C’est « le » thème éternel nourrissant aussi bien la Bible et la guerre de Troie que les journaux people et, au théâtre, tragédies et comédies dont le vaudeville, son avatar bourgeois. Exit de Fausto Paravidino a tous les ingrédients du vaudeville mais subtilement détourné. On assiste à une « valse à trois temps » : la déchirure, la rupture et… à vous de voir sur scène. D’abord les « affaires intérieures » où un couple dans un divan remonte, en flash back rapides, aux sources du conflit. Puis les « affaires extérieures » nous présentent la vie du couple « hors couple » avec des partenaires pour chacun(e) qui ne les changent guère de leur routine. La brève conclusion, curieusement baptisée « Europe » (le sens du compromis ?), ne semble guère promettre des jours meilleurs…

 » Nous rions souvent des souffrances des autres, confie Paravidino. Ici le comique tient moins aux répliques qu’à la situation kafkaïenne et l’engrenage absurde des dialogues. Le rire se mêle à l’effroi. ». Et d’avouer l’influence de Pinter dont il a joué, comme acteur, L’Anniversaire. Mais ici ce serait plutôt L’Amant vu des deux côtés, masculin et féminin. Cette filiation Paravidino/Pinter, « l’influence anglo-saxonne à la sauce italienne » est ce qui enchante le metteur en scène, très inspiré, Fabrice Gardin. Comme Pinter et Beckett Paravidino utilise les phrases courtes, rythmées, le flash back rapide et écrit Fabrice Gardin, « les petites touches, l’invasion des à-côtés voire des bas-côtés ». Mais surtout la mise en scène s’appuie sur deux forces majeures : une splendide scénographie de Ronald Beurms à la fois abstraite et drôlement efficace pour les changements de lieux. Et éclairée avec subtilité par Félicien Van Kriekinge, rendant le versant italien lumineux à ce labyrinthe de passions contrariées et drôles. Avec une excellente distribution, Dominique Rongvaux et Christel Pedrinelli vifs et précis, drôles et attendrissants dans le rôle des amants en rupture et Leone François Janssens et Jef Rossion qui viennent brouiller les cartes. Ajoutez l’excellente traduction de Pietro Pizzuti, publiée à l’Arche.

Et un petit rappel : Fausto Paravidino est avec Emma Dante et Ascanio Celestini un des jeunes auteurs italiens les plus joués en Belgique, pour notre plus grand bonheur. Tous les trois jettent, dans des styles fort différents, un œil critique sur la société italienne… qui nous ressemble. Mais Paravidino est sans doute le plus « varié » celui qui joue avec le plus de virtuosité tous les registres : rappelez-vous « Nature morte dans un fossé » (au Rideau de Bruxelles) remarquable thriller à partir d’un fait divers anodin ou « Gênes 01″(au Théâtre National) où il renouvelait le théâtre politique. Ici c’est le vaudeville qu’il rafraîchit. A 40 ans Paravidino a déjà une dizaine de succès derrière lui et tout l’avenir devant lui.

Ne ratez pas cet exercice cruel et drôle sur le couple en perte de vitesse, orchestré en finesse par Fabrice Gardin

Exit de Paravidino, m.e.s Fabrice Gardin au Théâtre des Galeries jusqu’au 6 mars.

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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