• Théâtre  • « Huis ». Musique, Poésie, Sacré, Sacrilège, sur la Mort et le Christ

« Huis ». Musique, Poésie, Sacré, Sacrilège, sur la Mort et le Christ

Au départ deux petites pièces oubliées de Ghelderode, « Le Cavalier Blanc » et « Les femmes au tombeau ». A l’arrivée, Josse De Pauw et Jan Kuijken nous proposent deux portraits de groupe, 6 hommes, 8 femmes, entre Breughel et Ensor, sur l’angoisse de la mort et l’utilisation de l’image du Christ.

Critique:****

Six vieux enroulés dans des linceuls blancs, dont l’un émerge pour se vêtir d’une robe multicolore et esquisser et ensuite quelques pas de danse. Des moines ? Non des « vieux » endormis, dans un hospice, caressés d’une lumière qui les sculpte. La musique omniprésente de Jan Kuijken berce leur quasi immobilité puis insinue un bruit de cloches qui les éveille…à la crainte de la mort. Toutes ces « tronches » magnifiques, comme issues d’une toile de Permeke viennent de troupes d’amateurs flamands aux gosiers rugueux ; superbe musique de voix. Seul professionnel, Josse De Pauw lui-même qui du haut d’un escabeau, décrit, sans qu’on la voie jamais la mort qui approche. Ah le pouvoir des mots et du son, qui obligent chacun à imaginer sa vidéo plutôt que de la subir ! Et chacun de confesser en brèves répliques musicales sa peur de la mort, ses péchés minables : portrait de groupe mémorable avec la mort qui s’éloigne et la danse qui revient sous forme d’une kermesse à laquelle participent soudain des femmes…multicolores.

Mais aussi…une croix blanche sur le mur, qui mène au deuxième thème:  » les femmes au tombeau  » du Christ.. Ici De Pauw ajoute sa griffe pour rendre contemporain ce bavardage volontiers vulgaire et mesquin entre toutes les « femmes du Christ » dans la maison de sa mère. A Marie Madeleine, la prostituée folle à Marthe, la sœur de Lazare, en passant par Véronique, qui essuie le sang du visage du Chris, en y imprimant son visage, on ajoute la femme adultère et la femme de Ponce Pilate qui s’insinue à la fin, honteuse. On est dans la caricature, qui fait grincer des dents une partie du public. Pas facile pour un traditionnaliste chrétien de voir ces saintes femmes se vanter, se critiquer, essayant de s’approprier une partie de la gloire passée et à venir de la divine vedette, plus « groupies », vieilles et jeunes, que saintes, en somme. Caricature du  » télé-évangélisme « , de notre époque marchande où  » la fin justifie les moyens « ? Que choisir, argent ou sexe, pour séduire les gardiens romains qui gardent le tombeau et conquérir la réputation de saintes ? Les comédiennes flamandes professionnelles sont incroyables de vérité dans leur cynisme ingénu ou sarcastique. La voix, le corps, le jeu de groupe, les corps dans leurs (im)-perfections ! Superbes !

Musique et parole, lumière et sculpture des corps, récit qui surgit de gosiers flamands à la langue rugueuse, restituant au flamand francophone, Ghelderode son identité sonore d’origine : le plaisir surgit de partout dans le nouveau spectacle du duo De Pauw, au Verbe et Jan Kuijken à la musique symphonique…comme un film… théâtral. Sans oublier les lumières rasantes d’Enrico Bagnoli, les costumes arc en ciel de Greta Goiris ou la voix du haute contre de Steve Dugardin, source de sacré dans le sombre tableau

Dernier soir à Avignon, ce 17 mais longue carrière en Belgique ! Une des belles réussites de cette édition Avignon 2014

« Huis » (maison ou porte), d’après Ghelderode, de Josse De Pauw et Jan Kuijken. Une production du LOD.

A Avignon, le 17juillet

Au KVS, du 26 au 28 septembre. NT Gent (9_10 octobre)

Christian Jade RTBF(BE)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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