• Théâtre  • ‘Je me tiens devant toi, nue’, cruels fantasmes féminins.

‘Je me tiens devant toi, nue’, cruels fantasmes féminins.

Un(e) grand(e) romancier(e) peut être aussi doué(e) pour le théâtre. C’est le cas de l’Américaine Joyce Carol Oates, dont Christine Delmotte entrouvre l’univers torturé de «Je me tiens devant toi, nue.»

Critique:***

Une professeure amoureuse d’un adolescent raconte cette double séduction trouble et traumatique dans un drôle de combinaison orange. Ses émois, en gros plan, sur le beau visage expressif de Nathalie Cornet, nous plongent d’emblée, en douceur, dans cet inconscient féminin réprimé, qui s’étend sur 8 histoires de troubles et de désarrois intimes On retrouve au final, Nathalie Cornet -la grande interprète de Marc Liebens, Ph. Van Kessel, Ph. Sireuil et Tranquinquennal- dans une scène encore plus cruelle de mère sur le point d’accoucher, en dialogue suicidaire avec son bébé.

Mais trois jeunes actrices, à peine sorties de l’Insas ou du Conservatoire de Bruxelles, lui donnent une réplique convaincante dans des situations tout aussi inconfortables. Ainsi Mathilde Rault, qu’on a pu voir, cette saison, dans Mamma Medea, deTom Lannoye, au Rideau de Bruxelles, incarne avec retenue et délicatesse une anorexique au bord de l’explosion intime. Laura Vossen s’implique, avec une fougue très maîtrisée, dans plusieurs rôles émouvants, passant avec souplesse de la confession intériorisée à un dynamisme corporel très maîtrisé. En amoureuse disgraciée  d’un condamné à mort, elle atteeint un des sommets des 8 épisodes.

– © rtbf

Joyce Carol Oates écrit à l’américaine, avec force détails réalistes et crus qui creusent les douleurs intimes mais jamais ne tournent au pathétique à bon marché. Et la vidéo de Christine Delmotte va chercher, en gros plans confidentiels, l’univers tordu de ces paumées fascinantes.  Elle réussit son pari de «rendre visible le trajet de pensées délirantes ». On n’est pas loin du superbe Bash de cet autre Américain, Neil LaBut, révélé par Georges Lini.

Au total, un univers littéraire et psychique foisonnant, celui de Joyce Carol Oates, des comédiennes habitées, passionnées, rigoureuses et bien cadrées par la sobre mise en scène de Christine Delmotte. Une probité exemplaire et un succès assuré.

Je me tiens devant toi, nue de Joyce Carol Oates, m.e.s de Christine Delmotte (Compagnie Biloxi), au Théâtre des Martyrs jusqu’au 31 mars.

Info  www.theatredesmartyrs.be

Christian Jade (RTBF.be)

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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