• Théâtre  • « BEL ABIME » (de YAMEN MANAI). LE CRI DE RAGE D’UN ADOLESCENT TUNISIEN. IMPRESSIONNANT. NECESSAIRE.

« BEL ABIME » (de YAMEN MANAI). LE CRI DE RAGE D’UN ADOLESCENT TUNISIEN. IMPRESSIONNANT. NECESSAIRE.

C’est une des spécialités de Michel Bernard : puiser dans la littérature universelle des textes percutants qu’un acteur souvent seul fait vibrer intensément en nous. On se souvient de « Si c’est un homme » de Primo Levi ou de « L’avenir dure longtemps » de Louis Althusser, tous deux récompensés par les Prix de la critique. Chaque fois un être humain s’interroge, coincé par les limites de son destin. Son adaptation du roman multi primé du jeune Tunisien Yamen Manai « Bel Abîme » nous plonge dans la rage adolescente, thème universel plongé dans le chaudron tunisien contemporain.

Sur scène un adolescent, interprété par Habib Ben Tanfouz plaide fièrement coupable devant juge, avocat et docteur des crimes dont on l’accuse. Oui il a éclaté la main d’un agent de police, de son père, du maire, d’un ministre, du président de la république et si on l’avait laissé faire des députés du Parlement. Il assume mais propose de revenir à la source de cette rage, un énorme manque d’amour familial. Le père mais aussi la mère, complice, et le grand frère méprisent ce petit bonhomme chétif et lui cherchent toutes les misères du monde lorsqu’il adopte en cachette un jeune chiot, source d’amour et de force. Convoqués par la famille un docteur plaidera l’hygiène et un imam, pourtant soufi modéré, l’impureté animale pour que l’ado abandonne son chien. Une ruse hypocrite du père déclenchera le cataclysme qui transforme ce drame familial en conte philosophique sur l’état de la société tunisienne après l’échec du printemps arabe, né en 2010 du suicide d’un ado tunisien.

Michel Bernard, fidèle à sa méthode se concentre sur les vibrations internes entre un beau texte et son interprète sans forcer sur l’interprétation politique. Mais Yamen Mana,l’auteur du roman multi-récompensé, un Tunisien qui vit en France, ne cache pas qu’il s’agit d’un portrait à charge sur l’état actuel de la société tunisienne qui n’en finit pas de subir son rêve éclaté de société juste.

Bel abîme peut donc se vivre comme un drame familial où l’amour d’un chien est source d’amour, de rébellion et de tragédie ou comme un conte philosophique et politique qui nous révèle un jeune musulman critique d’une société conservatrice et cynique. Le mélange des deux produit un effet choc bienvenu en cette époque où l’actualité réduit souvent l’islam à l’islamisme.

« Bel Abîme » (de Yamen Manai) interprété par Habib Ben Tanfouz adapté par Michel Bernard

  • A l’Espace Magh ce vendredi 1er décembre
  • A la Maison Folie à Mars Mons du 20 au 22 février
  • A Central (La Louvière)du 3 au 5 avril
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