Aux Martyrs, reprise de « 14 juillet » de Fabrice Adde ***
Le « 14 juillet » de Fabrice Adde, c’est une boîte à surprises à commencer par le titre qui semble annoncer un jour de fête alors qu’il s’agit du cauchemar d’un acteur qui « dit faux » tout en « jouant vrai ».
Fabrice Adde raconte des énormités sur son producteur et son metteur en scène qui font rire. Il feint de s’en plaindre alors qu’il leur doit beaucoup ! Mais sur scène l’ingratitude, ça paie. Il nous parle de la genèse difficile de son solo, c’est vrai : 2 ans qu’il y travaille. Mais il ne nous dit rien sur les vraies raisons de cet accouchement difficile : pas évident de parler de soi en se moquant de soi à partir de petites bribes de soi à théâtraliser en trouvant un fil conducteur.
Le « personnage » qu’il joue devant nous est un conférencier qui dans le monde de l’entreprise apprend aux gens (nous, en somme) à parler en public ! On n’y pas croit un seul instant mais l’invraisemblance est la clef de cette démonstration par l’absurde : une version moderne du fameux « paradoxe sur le comédien » de Diderot où le comédien est d’autant plus convaincant qu’il prend ses distances avec ses émotions. Ici, un pari casse-gueule puisqu’au fond il ne parle que de lui-même, par petites anecdotes vécues, déformées, amplifiées jusqu’au ridicule. On marche à fond dans ces vraies/fausses confidences qui disent tout simplement ses angoisses, étroitement liées, d’homme et d’acteur.
Visuellement il a la tenue coincée du conférencier « sérieux », mais à l’intérieur, ça bouillonne et son metteur en scène lui a trouvé des objets simples pour traduire ses angoisses et nous faire rire. Avec trois morceaux d’anthologie, la banane Chiquita, décortiquée jusqu’au trognon capitaliste, une crise de nerfs rageuse qui détruit un… micro et une tentative ratée de suicide.
Règne donc sur ce solo un petit parfum de psychanalyse, fragile mais réussie, puisque transcendée par le rire et donc la connivence avec ce cher public, très complice à la première.
Un plaisir de voir Fabrice, acteur de cinéma (« Eldorado »de Bouli Lanners et « The Revenant » d’Alejandro Inarritu) reprendre goût aux planches.
à voir au Théâtre des Martyrs jusqu’au 1er février
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