Festival d’Aix en Provence 2016. Bernard Foccroulle s’impose à New York, Pékin, Moscou
Depuis sa nomination à la tête du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, en 2004, Bernard Foccroulle, ancien directeur de la Monnaie, a été fidèle à sa méthode éprouvée: apurer les dettes d’un prédécesseur prestigieux mais dépensier (Gérard Mortier à la Monnaie, Stéphane Lissner à Aix). Tenir compte d’un milieu local bien différent: Bruxelles puis la Provence, tout en maintenant un haut niveau de préoccupations sociales. Respecter le public traditionnel habitué à « son » Mozart annuel. Et introduire ses préférences: chaque année, un opéra baroque et un opéra contemporain (de préférence une création mondiale). Enfin s’attacher des metteurs en scène de grande classe: des vedettes prestigieuses comme Patrice Chéreau, Warlikowski ou des personnes plus « discrètes », qu’il transforme en vedettes comme Katie Mitchell. Le fabuleux « Written on skin« de George Benjamin, mis en scène par Katie Mitchell, a circulé à Londres et New York; l’Elektra de Strauss, version Chéreau/Esa-Pekka Salonen conquiert ce printemps le Metropolitan!
Mais, comme nous l’explique Bernard Foccroulle (voir vidéo) la conquête d’autres « marchés » prestigieux vient d’entrer dans les faits
« Nous venons de signer un accord de 5 ans avec le Festival de musique de Pékin. C’est une première…Nous allons aussi passer commande à un compositeur chinois…A partir de 2017, tous les 2 ans il y aura un Festival d’ Aix à Moscou, à l’invitation du Bolchoï. Il y a donc une expérience aixoise reconnue internationalement ».
Aix 2016 : le programme.
festival d’
aix. Cour de l’Archevêché – © DR
Le programme 2016 est conforme à ses prédécesseurs avec un fameux choix de styles et de genres.
Le Mozart traditionnel, c’est Cosi Fan Tutte confié à deux Français. La direction musicale de Louis Langrée, bien connu du public liégeois pour avoir dirigé l’OPL, assure une qualité mozartienne impeccable. Le metteur en scène, le cinéaste Christophe Honoré, auteur notamment de Chansons d’amour et « La bien-aimée »déplace l’action dans une Afrique…coloniale. Commentaire de B. Foccroulle :
» Mozart est un artiste politique, comme Verdi et Wagner. Le travail d’Honoré va nous parler d’aujourd’hui. Il est très attentif à la musique mais aussi à la séduction, aux rapports entre les sexes. Il va nous proposer un classique dans un environnement non classique »
Tous les autres opéras sont des paris audacieux. Pelleas et Mellisande ce chef d’œuvre de Debussy d’après Maeterlinck n’est pas le plus évident pour le public aixois. Mais tout est là pour réussir : Esa-Pekka Salonen à la direction musicale, Katie Mitchell à la mise en scène et des chanteurs prestigieux, Stéphane Degout, Barbara Hannigan et Laurent Naouri. Avec le Philarmonia Orchestra en prime.
Le baroque 2016 c’est un oratorio profane du jeune Haendel (22 ans) composé à Rome Le triomphe du Temps et de la Désillusion. Un thème moralisant mais mis en scène par le sulfureux Krzysztof Warlikowski qui illustrera tous les feux de l’adolescence .
Autre grande pointure de la mise en scène Peter Sellars qui, aidé par Esa-Pekka Salonen, proposera un Oedipus Rex de Stravinski confronté à la Symphonie des Psaumes du même :une confrontation des valeurs antiques et de la tradition juive.
Enfin la création mondiale est particulièrement rare : un opéra chanté en arabe et parlé en français. Kalila wa Dimma, basé sur un récit animalier indien, du 8è siècle, une fable sur le pouvoir qui a inspiré La Fontaine. Le compositeur est franco-palestinien, le livret est dû à un Syrien net une Française. B. Foccroulle :
» Ca fait partie de la face méditerranéenne de ce festival. J’y travaille depuis de nombreuses années. C’est une » première » qui devrait inaugurer un apport plus important de la culture arabe au monde de l’opéra. C’est un pari « .
Gageons que l’édition 2016 suscitera les passions. En tous cas les ¾ des places sont déjà vendues en ce début mars. Il est temps de réserver !
Festival d’Aix-en-Provence, du 30 juin au 20 juillet.
Christian Jade (RTBF.be)
Pour illustrer les intentions de Bernard Foccroulle tant sur cette création contemporaine arabe que sur le rôle social de l’opéra et la nécéssaire expansion du Festival d’Aix en Chine et en Russie, une interview vidéo ci-dessous.
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