• Festivals  • Aix-en-Provence  • Festival d’Aix-en-Provence.  » Seven Stones  » d’Ondrej Adamek, la deuxième bonne surprise 2018***

Festival d’Aix-en-Provence.  » Seven Stones  » d’Ondrej Adamek, la deuxième bonne surprise 2018***

Pour sa dernière année à la tête du Festival d’Aix-en-Provence, Bernard Foccroulle a misé, entre autres, sur une création contemporaine longtemps retardée, pour des raisons budgétaires :  » Seven stones  » du jeune compositeur tchèque Ondrej Adamek sur un livret de l’Islandais Sjön, le parolier de Bjork.

Critique : ***

 C’est toute une équipe, on dirait un  » collectif  » qui y a travaillé autour d’Adamek et Sjön, depuis 2012, avec des chanteurs  » doublures  » d’un des triomphes de l’ère Foccroulle à Aix,  » Written on skin  » de Walter Benjamin, mis en scène par Katie Mitchell. Dans cette équipe on découvre le metteur en scène, danseur et chorégraphe Eric Oberdorff et plus tard Eric Soyer, le fidèle  » luministe  » et scénographe de Joël Pommerat (mais aussi de Kohestani, Hirata, Denis Marleau, etc). Cette  » petite bande  » a en commun un goût immodéré de la recherche artistique tous azimuts et une ouverture sur le monde, ses musiques, ses populations. Ils se lancent alors dans une aventure dont voici le bel aboutissement.

Recherche : la musique naît d’instruments bizarres, de sculptures sonores aux formes surprenantes, parfois  » minérales, d’où peuvent naître des sonorités étranges, minimalistes ou maximalistes. Mais elle naît aussi de la voix qui du simple récit peut se faire mélodie ou chant (avec un petit clin d’œil  » baroque « , humoristique).

Ouverture au monde : la musique emprunte à toutes les traditions, surtout asiatiques, sans entrer dans la catégorie  » musique du monde « . Mais la musique n’est pas que musique, elle engendre la scénographie…et réciproquement. Elle naît d’objets mais elle doit être créée par un groupe d’acteurs-chanteurs capables de manipuler ces instruments inédits et sinon de danser, du moins d’occuper l’espace par l’élégance du corps en mouvement. Et le chef d’orchestre est un acteur comme les autres. Pas de hiérarchie à l’ancienne, donc mais une rigueur et une précision de tous les instants : on ne se repose pas sur un chef on est tous responsables de l’ensemble ! Il y a là comme une philosophie politique…implicite ! Et une aventure peu banale, une aventure de groupe.Le but final est de créer la surprise à tous les niveaux/instants : musical, visuel, narratif aussi.

Au départ une fable apparemment simple avec un fil conducteur  » biblique  » : l’histoire de la femme adultère que le Christ a refusé de lapider. Un homme, collectionneur de pierres, a tué sa femme dans un passé lointain.  » Sept pierres « , et autant de petits récits enchâssés, comme des poupées russes, qui nous entraîneront dans une sorte de dérive permanente de l’histoire et de la géographie du monde. On participe à la dérive des continents et de ses plaques tectoniques, on rencontre aussi bien Borgès, le poète aveugle complice des régimes argentins autoritaires que Marie Curie et ses mortelles découvertes. Visuellement le récit se disperse mais se rassemble régulièrement autour d’un foyer central qui n’est autre le bar  » Babelsteinu « , une petite  » tour de Babel  » qui elle aussi franchit les continents.

Et les surprises vont crescendo, comme les sculptures sonores. Mais la clef de la réussite vient de l’incroyable cohérence d’un ensemble de 16 chanteurs (sans orchestre !) dont quatre solistes, et l’excellent chœur du groupe Accentus /Axe 21. Tous sont soudés pour défendre cette partition multiforme, aussi visuelle que sonore, qui parcourt le temps et l’espace Et où tout est lié en permanence, avec des atmosphères sonores magiques qui vont du son à la parole, de la parole au chant, du silence à la trépidation. Un bonheur délicat, raffiné pour les amateurs de découvertes contemporaines.

Au total un opéra qui aura mis du temps à naître mais qui tient ses promesses. Avec l’ombre portée de Bernard Foccroulle, défenseur inconditionnel de la création contemporaine, comme son successeur, Pierre Audi.

NB :  » Seven Stones  » a été diffusé par Arte et reste visible jusqu’au 20/01/2020 via le lien suivant

hattps://www.arte.tv/fr/videos/083403-000-A/seven-stones-d-ondrej-adamek-au-festival-d-aix-en-provence/

  » Seven Stones « , d’Ondrej Adamek, livret de Sjön, m.e.s d’Eric Oberdorff Festival d’Aix-en-Provence jusqu’au 17 juillet.

Aix-en-Provence, Christian Jade (RTBF.be)

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

POST A COMMENT