‘Tabula Rasa’de Violette Pallaro. »Famille tu nous les casses ! » ***
C’est une première création prometteuse de Violette Pallaro, sur un sujet inépuisable et casse-gueule, parce que trop souvent traité: la famille. Mais une scéno simple et intelligente de Vincent Lemaire met en valeur le texte de la metteuse en scène/autrice Violette Pallaro, retravaillé par 4 superbes comédiens, qui ont tous leur moment de grâce. La thématique m’a replongé dans cette période de l’adolescence où on ‘adore haïr’ ses parents caricaturaux, encombrants, dérisoires, ‘chiants’. J’ai revécu mes classiques, de » Vipère au poing » de Bazin à » Nœud de Vipères » de Mauriac sans oublier le » Famille je vous hais » des » Nourritures terrestres » de Gide, des références bien oubliées mais que j’ai adorés, ado…il y a bien longtemps. Le texte de Pallaro ne leur doit rien, littéralement, mais ressuscite ce sens caricatural et ce mélange d’amour, de haine et de dérision dont nous sommes faits. Famille, matrice de tous les conflits, source de notre étoffe intime. Encore faut-il l’incarner sur scène. Violette Pallaro a choisi un centre/moteur, une immense table et des chaises désassorties, pour décrire l’ordre et la hiérarchie familiale branlante, où chacun cherche, souvent vainement, sa place. Et où chacun canarde à vue, inconscient des dégâts collatéraux. Autre centre, un immense miroir qui reflète…cet ordre par derrière et la projette vers nous, le public. Violette Pallaro ne raconte pas une mais plusieurs histoires qui se chevauchent, comme un puzzle familial, et se complètent avec des personnages de père/mère/enfants/couple qui parfois se racontent, seuls, et parfois étalent leurs discordes, leur haine, leurs rapports de force pourris. Cela donne notamment deux scènes de groupe d’une rare intensité où des parents vulgaires se bouffent le nez, oubliant leur gamin réduit à un quasi autisme. Ou ce père en recherche d’emploi humilié par ses enfants dans un coaching terrifiant. Ou encore cette scène de couple troublante autour d’une mère qui ne veut plus de l’enfant qu’elle porte. Clément Goethals, fils humilié, cherchant sa place à table, Laura Fautré, fille anorexique, Thierry Hellin père humilié ou mari dépassé sont excellents. Avec, au centre de tout, Lara Persain, toutes les nuances de la mère et de l’amante, drôle et pathétique, quotidienne et tragique : un régal. Un spectacle qui démarre en douceur pour y aller crescendo, mêlant rire et larmes, passion et distanciation. Un premier projet prometteur de Violette Pallaro, qui mérite de tourner.
» Tabula Rasa » de Violette Pallaro.
–Au Théâtre National jusqu’au 15 février
-‘Retour à Liège’/Festival … les 17/18 février.
Christian Jade (RTBF.be)
Cet article est également disponible sur www.rtbf.be