Décès de Gérard Mortier : hommage à un contestataire culturel indispensable.
Gérard Mortier s’est éteint à 70 ans, à la suite d’un cancer du pancréas foudroyant. Ce directeur d’opéra (La Monnaie, Festival de Salsburg, Ruhr Triennale, Paris, Madrid) dépassait ses fonctions successives comme symbole d’un non-conformisme culturel et politique salutaire.
Culturel et politique.
Mort de Gérard Mortier : tristesse de perdre un homme de culture qui osait affronter les politiques parfois avec la même « mauvaise foi » qu’eux. Mais presque toujours pour la « bonne cause ». Avec lui la culture se battait « à armes égales » avec les politiques. Plus facile au niveau de l’opéra, encore fréquenté par quelques politiques et tout le milieu financier et culturel, lieu de pouvoir par excellence. Plus facile qu’au niveau théâtral, parent pauvre de la culture scénique. Ses « disciples » ou ses favoris, de Bernard Foccroulle à Peter de Caluwe en passant par Serge Dorny (Opéra de Lyon) ou Paul Dujardin (Bozar) sont de » fortes personnalités « , de façon différente, qui poursuivent sa leçon essentielle : la qualité et l’audace des spectacles proposés est une priorité. Mieux vaut la provocation que l’ennui et le conformisme.
Un trublion culturel irremplaçable.
Mais le « personnage » Mortier est unique et irremplaçable sous peine de parodie inutile. C’était un provocateur sans peur (sinon sans reproches), d’une cohérence impressionnante, sans équivalent, pendant 35 ans, de Bruxelles à Salzbourg, de Paris à Barcelone. Sa mort est aussi la mort d’une force culturelle, d’une passion agissante européenne, à la fois très flamande et très internationaliste, dépassant l’opéra pour défendre et mêler tous les arts, cinéma, théâtre, chorégraphie et peinture d’avant-garde.
Un ennemi de la médiocrité
La culture européenne perd avec lui un « héraut » ennemi de la médiocrité, un fort en gueule, parfois injuste, toujours » habité » par une certaine idée du monde et de l’excellence. On pouvait ne pas être d’accord avec tous ses choix de gamin souvent provoquant (pas pour rien qu’il aimait le personnage de Thijl Uilenspiegel). Mais sans ses provocations et coups de gueule tonitruants, on risque de « ronronner » un long moment dans le populisme sans frontières ou, pire, le « chacun pour soi » peureux. Il ne faut pas dramatiser sa mort prématurée (70 ans c’est « jeune » quand Edgar Morin, frétillant, publie toujours à plus de 90 ans !). Mais sans porte parole fort du non-conformisme, reconnu de tous, au sein même des élites, on change visiblement d’époque.
Christian Jade (RTBF.be)
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