Festival international de danse des Brigittines 2016 : le corps nu, entre grâce et désastre.

Ca commence fort dans la Chapelle des Brigittines, avec La Wagner, une provocation dans le titre qui accole du féminin au chantre du mâle dominant, divin ou pas. En scène quatre walkyries nues, avec la « double nationalité » sexuelle, dénoncent les stéréotypes sur la féminité et massacrent en une danse féroce l’univers divinisé.

– © Paola Evelina Gallarato

Le prélude du premier acte de Parsifal est l’axe rythmique et mythologique de la chorégraphie mais pas besoin d’être un wagnérien passionné ou…critique pour apprécier cette mise en scène. Nous baignons dans les tentatives de soumission de la femme par la violence et/ou la pornographie. Dans une interview au journal Telam le chorégraphe argentin Pablo Rotemberg précis : « Les corps, disciplinés par la danse, soumis par la technique mais en même temps libérés par elle, dominent la narration… J’ai décidé de laisser dehors l’ironie et l’humour. J’ai choisi l’austérité permise par les contrastes : le sublime à côté de la pornographie, de la force et de la soumission « .

Autre œuvre où le corps féminin est « exposé » sur le thème ancien de la virginité des femmes, « A mon seul désir » de Gaëlle Bourges, qui revendique, elle, le décalage. Au centre une tapisserie mythique du XVè siècle, La Dame à la Licorne (Musée de Cluny à Paris) détournée en finesse. Quatre danseuses nues revêtues seulement de masques d’animaux (bien présents dans la tapisserie) pratiquent un rituel d’éloge de la beauté qui se termine par une bacchanale de lapins. Humour assumé.

– © Danielle Voirin

Autre faufilage érotico- humoristique, venu du Canada, « Au sein des plus raides vertus » de Catherine Gaudet dont on a déjà pu apprécier, l’an dernier « Je suis un autre ». La présentation de Patrick Bonté, directeur du Festival donne à rêver  » Au sein des plus raides vertus, impossible d’entraver la sainte folie du corps, ses élans électriques, ses ambiguïtés et …les relations tendres et tendues, les sensualités virulentes et les émotions à fleur de peau qui enflamment sans cesse les quatre protagonistes de la pièce « .

L’Italien Roberto Castello boucle le festival avec un titre latin énigmatique  » In girum imus nocte et consumimur igni  » (« nous tournons en rond dans la nuit…dévorés par le feu »), allusion à un film de Guy Debord, situationniste des années 70, critique de la société marchande. Un spectacle radical décrivant une humanité prise dans une course effrénée, absurde, grotesque.

– © Alfred Mauve

La « griffe Bonté » c’est aussi une fascination pour les l’expressivité des rythmes et une recherche sur le temps et ses replis. En témoigne  » Time takes the time takes » des Catalans Guy Nader et Maria Campos « élégante métaphore sur l’écoulement du temps » avec ses flux et reflux. Si le thème de ce festival est  » la grâce et le désastre « , voici sans doute le spectacle qui flirte le plus avec la grâce tout comme  » Fractale  » d’Emmanuelle Vo-Dinh, au départ modèle mathématique qui devient  » une partition abstraite sur le toucher « . Ou encore Marco d’Agostin qui dans  » Everything is OK  » transforme son corps en courroie de transmission et en foyer de mouvements sous tension. Tout comme Vania Vaneau dont  « Blanc » s’inspire de rituels païens et de transe shamanique. Un spectacle de transformations visuelles raffinées tout comme le très beau  » Whispers « , un solo de Nicole Mossoux sorti tout droit d’un tableau de Vermeer mais qui le dynamite en douce par le surgissement, sonore et visuel, d’inquiétantes créatures. Vacuum de Philippe Saire rappelle l’univers de Mossoux/Bonté par le thème des jumeaux et l’intérêt pour l’histoire de l’art de la Renaissance italienne à la Renaissance… argentique de la photo. Enfin la « grâce » par l’humour rythmique semble habiter « Idiot-Syncrasy » des Espagnols de Londres Igor et Moreno : on nous promet à la fois  » un mouvement ininterrompu et de l’humour britannico-sardo-basque « . Une belle respiration dans ces temps maussades.

Festival international des Brigittines, du 19 août au 3 septembre.

Info : http://www.brigittines.be/fr  

Tél : 02.213 86 10

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