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Festival international des Brigittines :  » Outrages et ravissements »: encore !

Déjà deux œuvres haut de gamme, en une semaine. «Paraiso» de Marlene Monteiro Freitas et «Under» de Matanicola vs.Yasmeen Godder. Et un nouveau bouquet s’annonce jusqu’au samedi 29 août.

Carnet de route

 

« Le fil de M. » d’Annamirl van der Pluim

« Outrage et ravissement » c’est le thème de cette année, comme ce soir, vendredi 21 août. L’outrage devait venir de « Venus anatomique » de Marinette Dozeville,(vu mardi), s’inspirant de statues de « femmes écorchées saisies dans des attitudes lascives« . Hélas, pas d’ « outrage » provocant, ni sur le fond, assez lisse, ni sur la forme, peu inspirée. Dommage.

Par contre il y a bien « ravissement » avec « Le fil de M. » d’Annamirl van der Pluim, hommage à Martha Graham, une reine de la danse féminine du XXè siècle, morte à 96 ans et qui ne voulut jamais « décrocher ».« Elle apparaissait sur scène même ne pouvant plus marcher, ses mains emmitouflées dans des gants afin de cacher leur déformation due à l’arthrose. » Annemirl van der Pluim rend un hommage « stylisé » à son modèle vieillissant. Tout y est: la beauté simple, nette du corps en mouvement et la précision, mathématique ,et poétique, de la chorégraphie. Mais l’on guetterait en vain l’ombre d’une… « déchéance » du corps ou alors très…implicite. Ce qui n’empêche pas le ravissement.

« Paraiso, coleccao privada » de Marlen Monteiro Freitas.

Pas plus éloigné du classicisme d’A.van der Pluim que le monde baroque, en constante transformation picturale et rythmique de Marlène Monteiro Freitas. Elle ne se contente pas de « bouger les lignes », elle les fait exploser avec une énergie apparemment « démoniaque »…et anarchique mais savamment orchestrée. Des masques partout,  » à la » Jérôme Bosch, ou « à la » Ensor ou plus simplement, du carnaval de son pays d’origine, les îles du Cap Vert. Une maîtresse femme/homme/torero joue avec sa « collection privée » de mâles apparemment soumis à sa volonté mais qui sont beaucoup moins esclaves qu’il n’y paraît. Les grimaces « monstrueuses » semblent sortir d’un film d’horreur, mais l’Enfer/Paradis semble réversible à tout moment tant on s’y amuse- second degré garanti. Le mélange des genres musicaux- rock « anarchique » ou classique « sacré » obéit logiquement aux besoins rythmiques et expressifs du moment dansé avec une joyeuse désinvolture …très savamment organisée. Le dialogue avec le public fut passionnant : rarement on voit les danseurs prendre la parole à égalité avec le (la) chorégraphe pour montrer leur « cuisine intérieure »: une indigestion de propositions et Marlene taille dans le tout pour imposer des choix définitifs, plus question d’impro. Ici l’outrage fait partie du ravissement!

Kein Applaus fûr Scheissse, de Florentina Holzinger et Vincent Riebeck.

Ces deux jeunes gens sont des « provocateurs doux » dans un spectacle pour moi trop bavard où la danse s’efface devant des performances trop longues (interminable numéro final de cirque de Florentina, suspendue à ses rideaux…) ou des provocations un peu kitch, comme ce long dégueulis bleu pendant une scène d’amour qui m’a laissé de glace : ni ravi ni outré, en marge, out.

Under de Matanicola et Yasmeen Godder

Un simple duo de deux grands danseurs sur le thème du couple homosexuel. Pas vraiment la « cage aux folles » mais une plongée dans l’acuité cruelle du couple et de ses jeux de rôle. Une chorégraphie du déguisement plutôt mélancolique dans la première partie, due aux deux danseurs, plus aigu, mélange de cruauté presque sadique …et d’ironie dans le deuxième de Yasmeen Godder. Nicola Mascia avant de fonder sa compagnie -Matanicola- avec Matan Zamir a été l’interprète de Sacha Waltz, une référence. Leur « théâtre intime » se joue dans une lenteur concertée avec de brusques accélérations, nécessitant une virtuosité technique jamais purement « performative.

Dans la seconde partie, Yasmeen Godder favorise les métamorphoses des « personnages » à partir de petits shorts et …chaussettes anodins. Selon qu’on les allonge, qu’on les noue ou qu’on les retourne ils peuvent permettre un nombre étonnant de lentes métamorphoses du corps, du visage et du désir partout présent, violent mais pratiquement sans nudité. Un « voile islamique » surgit soudain d’un teeshirt avec un mélange de féminité …et d’ironie qui mène la danse…sans blasphème, pour moi du moins. Le dialogue avec la salle a montré le malaise d’une partie du public un peu effrayé par ces « métamorphoses » masculin-féminin attribuées par certains à la « mode transgenre » alors que l’esthétique « gay » me semblait un simple jeu « freudien »-ou pas- sur le masculin-féminin, composante de l’ambigüité de l’espèce! En tout cas « le » spectacle sur le thème « outrages et ravissements »!

Demain samedi 22, soirée composée de 3 spectacles de 15 à 30 mn. Il est prudent de réserver vos soirées des 25 au 29. Outre un extrait du prochain spectacle des Mossoux/Bonté, la Portugaise Elizabete Francisca, la Française Catherine Gaudet et le Franco-Autrichien Christian Ubl sont fort attendus.

Christian Jade (RTBF.be)

 

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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