• Opéra  • « Histoire du Tsar Saltane » :  un conte pour enfants qui interroge l’autisme. Une reprise triomphale****

« Histoire du Tsar Saltane » :  un conte pour enfants qui interroge l’autisme. Une reprise triomphale****

Fin juin 2019 ce grand classique de Rimski-Korsakov nous avait bouleversé. L’émotion demeure intacte quatre ans plus tard. Cette œuvre rarement jouée en Belgique, très populaire en Russie, est basée sur un conte de Pouchkine aussi emblématique que le « Petit Prince » en francophonie mais plus cruel. Un enfant de tsar et sa mère, condamnés à mort par le père pour cause de difformité du bébé surmontent leur destin. Dimitri Tcherniakov, place au centre un enfant autiste et sa mère. A la fois bouleversant et drôle.

D’habitude, dit Tcherniakov, je mets longtemps à inventer, chercher, analyser. (Un) processus presque toujours difficile et douloureux… (Ici) tout s’est développé avec une facilité inhabituelle, comme si les idées et les solutions se posaient d’elles-mêmes sur ma table… j’ai passé ces mois dans un certain émerveillement.

Un émerveillement communicatif alors que Tcherniakov plaque parfois des concepts arbitraires pour moderniser des œuvres jugées dépassées, comme Carmen ou Cosi fan tutte à Aix. Ici nous sommes immédiatement séduits par ce mélange de folklore russe raffiné et de réflexion sur la douleur universelle d’un autiste et de sa mère. Le théâtre permet d’introduire mère et fils avant la musique en costume contemporain et d’insinuer progressivement leur drame dans ce conte cruel, très folklorique et finalement optimiste puisque le père, le fils et la mère se réconcilient. L’intrigue de l’opéra est parfaitement respectée mais le théâtre reprend ses droits au final et le jeune autiste se retrouve coincé dans son drame.

Au départ deux sœurs jalouses de leur cadette qui a réussi à épouser le Tsar alors qu’elles en sont réduites à un rôle modeste auprès de la tsarine Militrisa. Elles profitent d’une absence du Tsar Saltane, parti guerroyer pour propager la fausse nouvelle que le petit tsar est un monstre difforme. La mère et l’enfant sont alors roulés dans un tonneau et jetés à la mer. Suivent une série d’aventures entre le réel et l’imaginaire. L’île où ils débarquent se transforme à vue en une ville somptueuse. Un oiseau -cygne se métamorphose en amoureuse bienveillante qui mène Gvidon, transformé en bourdon dans la ville de son père le Tsar Saltane. De tout l’opéra de Rimski Korsakov, c’est le « tube » le plus connu, un air populaire délicieux. La mise en scène et les dessins de Dimitri Tcherniakov, aidé des vidéos de Gleb Filshtinsky donne à cette scène et à toute l’évasion/résurrection du petit tsar/autiste une beauté rêveuse, mêlée d’humour.

Mais c’est aussi l’incroyable talent des interprètes principaux qui rend cet opéra inoubliable. Le fils Gvidon, le ténor Bogdan Volkov et sa mère la soprano Svetlana Aksenova sont d’abord d’incroyables acteurs qui rendent crédible le passage du douloureux autisme à sa délivrance provisoire par l’imaginaire. Ce sont aussi des interprètes fascinants de justesse et de couleur vocale entourés d’une distribution étincelante, semblable à celle de 2019 avec un seul changement d’importance : le jeune chef d’orchestre Timur Zangiev, pas même trente ans, et déjà une énorme maîtrise de cette subtile partition.

 « Histoire du Tsar Saltane » de Rimski-Korsakov.

A la Monnaie jusqu’au 19 décembre. Sold out 

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