
La Monnaie, saison 2025-26. La prudence financière au volant d’une saison de transition.
Surprise à la conférence de presse de saison : Christina Scheppelmann sera bien Intendante (directrice générale et artistique) à partir du 1er juillet 2025. Mais le programme de saison, parle d’un « trait d’union » entre Peter et Christina liant la mi-parcours de la saison 2025-26.
Mi-parcours ? Jusqu’en décembre 2025 le responsable de la programmation est Peter de Caluwe qui aligne deux reprises (de 2020 et 2024 ) et une co-production avec le Teatro Real de Madrid. Christina Scheppelmann commence en janvier 2026 avec deux créations maison, une coproduction et une reprise de la Tosca (La Monnaie 2021). Au total donc sur 7 opéras : 2 créations , 2 coproductions et 3 reprises.
Peter de Caluwe rappelle que les subsides sont décernés par le gouvernement fédéral « par année » et pas « par saison » Il assume ainsi la responsabilité financière totale de l’année 2025. Les deux managers de La Monnaie sont donc condamnés à la prudence après deux années coûteuses ( un Ring et deux metteurs en scène!)
Cela dit pas question de bouder son plaisir. Le Falstaff qui ouvre la saison a été créée à Madrid en 2019 dans une mise en scène de Laurent Pelly bien connu ici pour son humour et son sens de la farce. Le bouffon Falstaff est incarné par le baryton britannique Simon Keenlyside, Mme Ford par Sally Matthews et Ford par Lionel Lhote. Avec ici, Alain Altinoglu à la direction musicale. Bonheur total assuré.
Ali (en octobre) a été créé il y a tout juste un an au KVS sur une musique de Grey Filastine. Et un livret « vécu » de Ali Abdi Omar (un réfugié échappant par miracle à la terreur au Soudan). Il aura droit à la grande salle de La Monnaie. Vu à sa création, nous écrivions : « un mélange réussi de musique électronique, acoustique et de « world »/musique du monde, interprétée par des artistes belges d’origine africaine. L’opéra Ali est sold out au KVS qui accueille le spectacle. Un succès qui appelle à une reprise. » Notre vœu est donc exaucé. Critique de l’opéra Ali à retrouver ici.
Je n’ai jamais pu voir la Norma de Bellini ( Casta Diva, Callas es-tu là ?) mise en scène par Christophe Coppens brusquement interrompue en 2021 par une reprise d’alerte Covid. Bienvenue donc à la reprise de ce chef d’œuvre belcantiste avec Sally Mathews dans le rôle-titre et Raffaella Lupinacci en Adalgisa. Le tout pour les fêtes de décembre.
Medusa, probablement l’événement de la saison et de la nouvelle directrice

La «griffe » de Christina Scheppelmann sera visible dès janvier avec une œuvre de Berlioz jamais présentée à La Monnaie : Benvenuto Cellini, la vie truculente du sculpteur et orfèvre florentin de la Renaissance « romantisé » par Berlioz, qui mêle amour, politique et petites jalousies d’artistes. La partition luxuriante sera mise en rythmes et couleurs par… Alain Altinoglu : on ne se sépare pas facilement de ce chouchou du public ! L’occasion de découvrir de nouvelles voix et un nouveau metteur en scène Thaddeus Strassberger, un Américain d’origine cherokee, irlandaise et germanique et qui s’est bâti une solide réputation sur les scènes italiennes et allemandes.
En mars un Mozart de jeunesse Idomeneo Re di Creta où un père est tenté de sacrifier son fils aux dieux antiques. Le Catalan Calixto Bieito qui fait les délices du Liceu de Barcelona (qu’a dirigé Christina Scheppelmann) et de l’Opéra de Paris arrive enfin chez nous. On nous promet un parcours en labyrinthe digne de l’Argentin Borges.
En mai le spectacle phare, emblématique de la nouvelle directrice, une création contemporaine Medusa. La figure mythologique repoussante de la Méduse/Gorgone aux cheveux couverts de serpents et dont le regard figé porte malheur a inspiré une foule d’artistes. Ovide dans ses Métamorphoses a fixé sa légende reprise à la Renaissance par les sculpteurs et au XIXè siècles par de nombreux peintres comme image de la femme fatale dangereuse Or Méduse doit sa malédiction physique à un viol par Poséidon et une punition d’Athéna. Elle devient donc une victime du masculinisme dans la pensée féministe contemporaine. Le livret de l’Américaine Lydia Steier et la musique de l’Anglais Iain Bell nous donneront à voir les origines d’une douleur intime et ses contradictions. La soprano d’origine russe Olga Peretyatko, vedette internationale tiendra le rôle-titre face à la basse russe Konstantin Gorny en Poséidon et au ténor canadien Josh Lovell en Persée. Probablement l’événement de la saison.
En juin enfin une Tosca mise en scène en l’année fatale 2021 par Rafael R. Villalobos avec orchestre et jauge restreints. Une reprise de fin de saison bienvenue donc.
Signalons aussi la volonté de Christina Scheppelmann d’un retour à la danse (sans artiste résident toutefois) dont témoignent deux spectacles d’Anne-Teresa De Keersmaeker, la multiplication des concerts (d’Alain Altinoglu entre autres) et des récitals (Vocalissimo : Christoph Prégardien, Barbara Hannigan, Véronique Gens et Xavier Sabata découvert dans I Grotteschi, etc)
En somme l’embarras du choix. The show must go on.
Christian Jade
Infos : www.lamonnaiedemunt.be