• Théâtre  • KFDA 2016 : Carnets de route 7. Un procès en trompe l’œil venu d’Iran (Reza Koohestani). Une rêverie thai.(Weerasethakul).

KFDA 2016 : Carnets de route 7. Un procès en trompe l’œil venu d’Iran (Reza Koohestani). Une rêverie thai.(Weerasethakul).

Hearing de Amir Reza Koohestani : Inquisition à l’iranienne ?

Le KFDA c’est le paradis des auteurs qui ont un univers à nous faire traverser. Parfois il est bien difficile d’y entrer ou d’y rester. Parfois on a de la peine à en sortir, comme pris dans une toile d’araignée invisible. C’est le cas de Hearing qui nous présente de manière obsessionnelle un procès dans un collège de filles iraniennes. Une jeune fille s’avance prudemment sur scène et semble répondre à des questions venues du public. Dialogue intérieur projeté vers nous. Une deuxième répondra aux questions d’une autre, à peine plus âgée, installée au premier rang mais pas vue de nous, avec un rôle d’Inquisiteur. Viendra une troisième puis la scène s’élargira par une caméra qui montrera la déambulation dans les coulisses de Bozar comme le lieu du délit, les couloirs immenses d’un collège. Car ce qui est ressassé, fouillé jusqu’à la nausée, c’est un minuscule délit de mœurs : Neda a-t-elle ou non hébergé son copain dans le collège un soir de Nouvel An ? Et pourquoi Samaneh refuse de témoigner en sa faveur face à une jeune « juge », simple responsable de leur dortoir, donc de la Loi (islamique ou pas). On ne l’a même pas vu, Samir, à peine entendu mais le drame est dans la rumeur. Samaneh a simplement été expulsée de l’Université mais 10 ans plus tard, réfugiée en Suède, elle se suicide et c’est la parole de cette suicidée que par l’image et la mise en scène subtile est au centre de la pièce. Ainsi racontée, simplifiée ou me dira : so what ? A part que la manière de raconter, visuelle, non réaliste, avec ces colères presque douces, cette vidéo suggestive qui insinue le mystère et l’angoisse, on sort de là avec de l’admiration pour cet art de l’insinuation qui épouse si bien ce procès du non-dit, de la lâcheté meurtrière. Cela se passe en Iran ? Deux de mes voisins ont immédiatement réagi, dans l’émotion : l’une avait vécu ce genre de surveillance basée sur la délation dans un internat de filles, l’autre dans un internat de jésuites. Il n’y a pas bien longtemps. Et si le cadre de l’internat fonctionne  à merveille c’est qu’il est à la fois parfaitement vraisemblable et totalement symbolique de toute société à base de délation. En Iran seulement ? La question n’est jamais posée directement. Mais il ne faut pas chercher bien loin pour voir que cette fable est universelle.

 

-Hearing de Amir Reza Koohestani jusqu’au 26 mai à Bozar dans le KFDA 2016.

Au Festival d’Avignon du 21 au 24 juillet.

 

-A Bozar toujours

-A bit more everyday de la  metteuse en scène iranienne Afsaneh Mahian, formée par Reza Koohestani, les 9 et10 juin.

Fever Room d’Apichatpong Weerasethakul. Une installation rêveuse.

– © Apichatpong Weerasethakul

Le cinéaste thaïlandais est une des icones de ce festival. Introduit dès avant l’ouverture par un festival de ses films et une exposition au cinéma des Galeries, toujours en cours. Puis honoré d’une projection dans une clairière de la forêt de Soignes de Tropical malady. Une aventure  » scoute  » réussie, avec quelques dizaines de spectateurs frissonnants (de froid pas de fièvre) sous leurs maigres couvertures mais ravis que la lune, presque pleine, et les arbres épousent l’ambiance du film.

Reste à voir, encore aujourd’hui, Fever Room, une installation au KVS Bol. C’est un film utilisant la grande salle du KVS pour se multiplier par deux (de face) et encore par deux (latéralement), multipliant les points de vue non pas sur l’action, peu présente mais sur la rêverie du personnage sur son lit d’hôpital. Le personnage central n’est pas l’homme ni la forêt mais le fleuve, le Mékong filmé sous toute ses coutures dans sa lente majesté. Au centre aussi une grotte, en pleine jungle mais qui devient aussi la grande salle du KVS. Grotte, caverne on est bien dans la thématique du Kunsten 2016. Il vaut mieux connaître ce monde de Weerasethakul où la réalité est un rêve et les personnages fantomatiques pour goûter au charme de l’installation. Mais c’est un beau risque à courir, comme dans tout festival.

Fever Room au KVS/Bol le 25 à 18H et 20H30. KFDA 2016.

 Christian Jade (RTBF.be) 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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