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Le Kunstenfestival 2016 : le top des taupes.

Le Kunsten 2016 se déroule sous le signe de la taupe ! Non pas en hommage aux « donneurs d’alerte » qui dénoncent les agissements des paradis fiscaux. Ce serait une interprétation un peu « littérale » pour un festival qui se veut et multidisciplinaire et « polysémique » (oubliez le sens premier, cherchez plusieurs sens à tout ce que vous voyez). Christophe Slagmuylder, le directeur du Kunsten, s’empare de l’image/concept « taupe » en hommage au créateur français Philippe Quesne, directeur du Théâtre de Nanterre, qui ouvre le festival avec « La nuit des taupes« . Et qui le clôture par un atelier laboratoire/installation (Welcome to Caveland), dans l’espace des Brigittines, centre du festival 2016, transformé en grotte ou « souterrain matriciel ». Il y invite des artistes à créer sur ce thème.

Interview. Christophe Slagmuylder(C.S), le directeur, nous présente les tops du KFDA 2016.

Christophe Slagmuylder, ditecteur du KFDA

Christophe Slagmuylder, ditecteur du KFDA – © Bea Borgers

CJ : Le festival, sous les auspices de Philippe Quesne, retourne dans les catacombes ?

C.S : Il n’est pas question de s’enfermer, de se cacher ou se replier. Les grottes ce sont quand même les premières habitations où des hommes se sont rassemblés. Pour bien voir le réel mieux vaut le voir en retrait, sans le dissimuler. C’est aussi une illustration du mythe platonicien de la caverne où on essaie de comprendre la réalité à partir des ombres projetées. J’aime citer ces quelques vers de Dante qui vont dans le sens et de Philippe Quesne et de ma programmation :

 » J’aperçus les jolis objets que supporte le ciel

à travers une ronde ouverture de la grotte ;

et alors nous sortîmes pour revoir les étoiles « 

C.J: Mais alors la réalité contemporaine, dramatique et conflictuelle, vous l’évacuez?

CS : Au contraire, les œuvres de notre programmation sont en contact avec ces réalités mais ne produisent pas des opinions ou des commentaires: si elles semblent s’en détacher c’est pour mieux les voir et en proposer une « vision » artistique.

Une « actualité » mise en perspective.

Wael Shawky

Wael Shawky – © Wael Shawky

 

CJ : Quelques exemples pour nous convaincre ?

C.S- Dans son film « Cabaret Crusades. The secrets of Kerbala » l’Egyptien Wael Shawky utilise des marionnettes de verre soufflé, donc fragiles, pour raconter une bataille de… 622, toujours actuelle, qui a entraîné le schisme entre Sunnites et Chiites. Les marionnettes esquivent le réalisme mais les lieux évoqués sont Bagdad, Damas et …Alep. Quoi de plus actuel ? Mais on remonte aux racines.

– Le Mozambicain Panaibra Gabriel Canda ne nous propose pas une diatribe anticoloniale mais nous fait sentir, sans juger, les conséquences actuelles de cette hybridation coloniale.sur la langue parlée. Dans « (Un)-official language » le conflit entre la langue officielle portugaise, héritée du colonisateur et les langues vernaculaires parlées à la maison subsiste et Canda le traduit aussi par le corps dansé.

Dans « Time’s journey through a room » l’immense artiste japonais Toshiki Okada nous parle  drame nucléaire de Fukushima, pas de manière directe, mais en examinant les effets sur une famille après la catastrophe. Les fantômes du passé et la menace invisible sont bien présents. En subtilité.

CJ : Voilà pour le colonialisme, les guerres de religion, les catastrophes nucléaires. Et les problèmes de société actuels ?

C.S :Le Suisse Milo Rau, travaille dans une veine plus réaliste. Ici pour affronter le redoutable et délicat thème de la pédophilie il affrontera ce tabou avec de jeunes Belges de 15 ans, non professionnels. Mais comme une vaste catharsis : ils tirent la réalité vers la fiction et on voit le travail de l’acteur en train de nous parler de ça.

 Le thème de l’immigration et des réfugiés sera abordé par Younès Baba-Ali sous forme d’une installation urbaine, notamment dans les galeries Ravenstein et d’une expo photo où les corps des réfugiés sur les plages grecques deviennent comme un étal de marchandises.

Des Vedettes?

– © TEDOONK_MILORAU_REHEARSALS

 

CS : M ais je viens de vous citer 3: Philippe Quesne, Milo Rau, Toshiki Okada.

Il faut ajouter le très grand cinéaste thaïlandais Apitchatpong Weerasethakul auquel nous consacrons, en complicité avec le cinéma les Galeries une rétrospective et une exposition. Mais deux événements lui sont consacrés : la projection… dans la Forêt de Soignes, d’un de ses films « Tropical malady » qui se déroule dans la…. jungle tropicale. Et surtout sa première création théâtrale,  » Fever Room « , autre illustration subtile de la caverne de Platon. J’aime le côté irrationnel et rêveur de ce cinéaste, qui aiguise nos sens et notre intelligence.

Et puis nous  confirmons notre fidélité à l’Américain Richard Maxwell, qui avec des antihéros critique le capitalisme et son mythe de la réussite. Mais dans « The evening« , cette Amérique profonde fait un détour par… la Divine Comédie de Dante !

Je suis fidèle aussi, depuis 10 ans, à l’Iranien Amir Reza Koohestani qui dans « Hearing » construit sur un procès dont les témoignages montrent les manipulations politiques et judiciaires qui cachent la vérité

Découvertes ? Surprises ?

JISUN KIM

JISUN KIM – © Jisun Kim

 

C.S : La fonction principale du KFDA est d’aller chercher des artistes émergents et des formats  » hors normes ».

Les deux artistes qui forment notre « colonne vertébrale », Philippe Quesne et Apitchatpong Weerasethakul appartiennent à cette catégorie, hors normes. Tout comme le chorégraphe suédois Marten Spanberg qui propose de passer une nuit, de 23h à 5 h du matin dans la chapelle des Brigittines pour vivre ensemble angoisses et cauchemars. Ou le collectif espagnol Conde de Torrefiel qui va, sans paroles, dresser un portrait subjectif de la jeunesse européenne avec pas moins de 100 jeunes figurants bruxellois.

Mais pour moi LA « révélation » de cette édition est un émergeant coréen, Jisun Kim qui crée « Climax of the Next Scene« , à partir de jeux vidéo existants…qu’il détourne pour leur donner une réalité virtuelle.

A parcourir notre programme vous vous apercevrez que nous avons puisé essentiellement nos émergeants dans deux viviers, l’Asie et l’Afrique du Nord. Nous aimons ce risque des découvertes.

Et les Belges dans tout ça?

Thierry De Mey

Thierry De Mey – © Thierry De Mey

 

CS : Côté francophone une création de Thierry De Mey, « Simplexity », où 5 danseurs « joueront » avec 5 musiciens de l’Ensemble Intercontemporain. Et un « émergent », Salvatore Calcagno, venu du théâtre mais qui n’oublie pas la danse pour rendre hommage à Ennio Morrricone.

Côté flamand mes fidélités vont, entre autres, au groupe Berlin, qui s’intéresse à …Tchernobyl. Et à la danseuse Miet Warlop, au carrefour du théâtre de la danse. Avec un projet singulier signé, Josef Wouters,  » Decoratelier « un travail collectif où ce scénographe de formation nous propose 15 univers sur le thème de… l’Infini.

CJ : Une conclusion ?

C.S :Comme vous voyez on est vraiment dans notre époque, même si la réalité surgit du fond de la caverne. Elle est souvent prise de biais. J’aime les spectacles qui jonglent entre passé et présent, rêve et cauchemar, concret et abstrait. Je suis  « fidèle » à quelques artistes mais j’aime le risque.

KFDA 2016, du 6 au 28 mai avec pour centre opérationnel la chapelle des Brigittines.

Programme et réservations : http://www.kfda.be/fr

 

Christian Jade (RTBF.be)

 

 

 

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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