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Du Festival d’Avignon au Théâtre de Vidy-Lausanne, Vincent Baudriller se confirme: architecte et organisateur de festival

Du 10 au 20 mars le Théâtre de Vidy Lausanne organise un mini-festival international de théâtre, danse et performance à l’initiative de Vincent Baudriller, son directeur et ex-directeur du Festival d’Avignon. Une occasion pour lui de fédérer différents lieux de Lausanne, de rapprocher culturellement toutes les régions suisses et de poursuivre sa programmation internationale où les Belges ont leur part. De la Schaubühne de Thomas Ostermeier à Thomas Hauert, artiste associé à Charleroi Danses. L’occasion de retrouver Vincent Baudriller, comme maître d’œuvre d’un nouveau lieu à transformer. Et grand « jongleur » d’étiquettes: directeur de théâtre avec un ADN de directeur de festival.

Interview de Vincent Baudriller, directeur du Théâtre Vidy Lausanne

Théâtre de Vidy Lausanne

Théâtre de Vidy Lausanne
– © Samuel Rubio

Vincent Baudriller, vous avez consacré beaucoup d’énergie lors de votre dernier mandat, comme directeur du Festival d’Avignon, à construire un prestigieux lieu de répétition, La Fabrica. A peine nommé à Vidy-Lausanne, vous voulez rénover le lieu. Un architecte sommeille en vous ?

Architecte, non mais comme directeur, de festival ou de théâtre, mon rôle est d’accompagner et d’organiser au mieux le rêve des artistes. Or ils ont besoin non seulement d’une bonne rémunération mais d’outils de travail performants pour toucher le public. A Avignon, j’ai mis six ans à convaincre les autorités et deux ans à construire la Fabrica : un lieu de répétition pour les grands spectacles de la Cour d’Honneur qui puisse en même temps être un lieu de représentation supplémentaire pendant le festival et être utilisé aussi hors festival.

Ici, à Lausanne, les lieux datent de l’Exposition nationale de 1964. En 5O ans, l’équipement est usé et les normes de sécurité sont « limite ». Dans un premier temps nous remplacerons, cette année, un petit chapiteau vétuste par un pavillon en bois qui doublera la capacité actuelle de ce lieu. Mais le gros chantier sera pour 2018/2019 quand nous transformerons la salle principale pour la mettre aux normes internationales actuelles. A Avignon, comme ici, j’aime me lancer dans une aventure, sur la trace d’un grand héritage, Jean Vilar, Alain Crombecque et Bernard Faivre d’Arcier, en France, Charles Apothéloz, Mathias Langhoff et René Gonzalez à Vidy. Chaque fois je me passionne à moderniser un splendide outil, légué par de grandes pointures pour le prolonger dans le présent et le futur.

Evidemment cela coûte cher, 10 millions d’euros pour la construction de la Fabrica, financé par les pouvoirs publics, nationaux, régionaux ou locaux. Ici à Vidy 30 millions de FS seront assurés, moitié/moitié par le Théâtre et les autorités (Lausanne et Canton de Vaud).

Passer d’un festival de création à une saison de théâtre, c’est un fameux changement, non ?

Mon cœur d’activité reste le même, défendre et accompagner des artistes auxquels je crois, des créateurs exigeants qui nous parlent de notre monde. Sur une année je fais venir 50 spectacles pour 300 représentations, donc quantitativement, cela se rapproche des chiffres d’Avignon. La grande différence, c’est la durée, le temps d’une saison par rapport à la folle concentration de quelques semaines à Avignon, où j’étais frustré de ne pouvoir participer à l’élaboration des spectacles, vu l’encombrement final. Ici j’ai deux bonheurs en plus : discuter en profondeur avec les metteurs en scène et construire une relation sur la durée avec le public. J’aime stimuler la curiosité du spectateur tout en n’ignorant pas le risque de proposer des artistes inconnus. Mais Lausanne est devenu un carrefour international aux confins des cultures française, germanique et italienne. J’ai pris un grand plaisir à ouvrir ma saison 2014 avec Christoph Marthaler, Suisse allemand pratiquement inconnu ici ! Ou la saison 2015 avec l’Anglais Simon McBurney, jamais venu en Suisse romande. Mais un de mes rôles est aussi de promouvoir sur le plan international des artistes suisses, de toutes origines.

« Programme commun » : 4 lieux de Lausanne organisent un festival international.

 La Mouette de Tchékhov, m.e.s de thomas Ostermeier

La Mouette de Tchékhov, m.e.s de thomas Ostermeier – © ARNO DECLAIR

Dans le mini-festival de 10 jours intitulé « Programme commun » (du 10 au 20 mars) vous fédérez d’autres lieux lausannois parfois plus « pointus » que vous comme Arsenic, La Manufacture, Théâtre Sévelin 36. On y trouve aussi bien Ostermeier et sa Schaubühne que des artistes suisses, français, belges, flamands principalement.

Déjà à Avignon j’étais en excellents termes avec Sandrine Kuster, directrice d’Arsenic/Lausanne. Cette complicité nous a permis dès le printemps 2015 d’organiser un mini-festival que nous avons étendu cette année à deux autres institutions lausannoises. L’idée est de créer un événement international en mutualisant nos moyens financiers, sans demande d’aide extérieure. Cette valeur ajoutée nous permet d’attirer des programmateurs (150 en 2014) et de stimuler un public venu de toute la Suisse. L’idée d’un festival européen fait partie de mon ADN ! En outre, ce « programme commun » crée une belle dynamique qui décloisonne les diverses régions suisses qui s’ignoraient culturellement. Je développe aussi d’excellentes relations avec le Festival de Genève-La Bâtie, début septembre. Depuis 2015 nos deux premiers spectacles de saison font partie de leur programmation et nous organisons le transport de Lausannois vers leur festival. Entente cordiale, donc.

Dans votre ADN il y a aussi un solide lien avec la Belgique et sa région flamande en particulier.

De fait, j’entretiens d’excellents rapports avec le KFDA de Bruxelles mais aussi avec le Festival d’Automne parisien ou, à Vienne, les Wiener Festwoche. Excellentes relations aussi avec le Kaaitheater de Bruxelles et le Théâtre de Liège. Enfin vous savez que Lausanne, via « l’exil » de Béjart et de son ballet a suscité dans la ville un grand intérêt pour la danse. Son ballet, dirigé par Gilles Roman et son école de danse subsistent. Profitant de cet intérêt j’ai introduit la danse au programme de Vidy-Lausanne avec comme fil conducteur, cette année, Anne Teresa De Keersmaeker, avec pas moins de 3 chorégraphies et une expo à partir du 15 mai. J’ai aussi mis à l’honneur Johanne Saunier et dans ce festival « Programme commun » on affiche et Miet Warlop et Thomas Hauert. Oui la Belgique fait aussi partie de mon ADN !

Festival « Programme commun » à Lausanne du 10 au 20 mars

A Lausanne, Christian Jade (RTBF.be)

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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