« Science-Fictions » de Selma Alaoui. Une fantaisie poétique et parfois comique sur le futur ***
CRITIQUE :
Selma Alaoui est une aventurière qui aime se risquer sur des terres inconnues à chaque nouveau spectacle, ici la science-fiction qu’elle avoue mal connaître. Elle en fait des fictions sur la science en compagnie de quatre acteurs/trices eux-mêmes auteurs/trices et metteurs/eusses en scène.
Une difficulté de plus, ces créateurs multiples, Olivier Bonnaud, Jessica Fanhan, Achille Ridolfi, Eline Schumacher auraient pu entraîner une énorme cacophonie, briser le plan d’ensemble. Or, au final on a droit à un beau « thème et variations » sur le futur… et le présent où des acteurs/trices passionnés mais parfois sceptiques nous entraînent dans leur jeu avec beaucoup d’élégance. Chacun(e) a son moment de grâce mais l’ensemble reste accroché à un fil conducteur souple, parfois un peu fragile.
Une illusion à éviter : il ne s’agit pas d’un thriller glauque avec des extra-terrestres menaçants venus d’autres planètes ou de mutations de l’humain vers le monstre. Pas de suspense en somme mais plutôt une vision à 100 ans (2120) d’un groupe d’humains qui projettent leurs angoisses actuelles vers un futur plus ou moins rassurant. Mais en inversant simplement la temporalité : les acteurs présents ont 100 ans de plus et examinent une « trace », un film en flash-back tourné péniblement en 2020. C’est le moteur des actions, réflexions, disputes et positions philosophico-écologiques à la lumière de quelques références explicites. Ainsi Ursula K. Le Guin, une romancière américaine célèbre pour son exploration singulière et subversive du genre SF. Ou encore la collapsologie qui alerte sur l’effondrement possible de notre civilisation mais sans catastrophisme sinistre et gratuit : un appel à la réflexion humaniste plutôt. Quant à l’écoféminisme revendiqué, il mêle tous les combats actuels pour l’émancipation des femmes et le sauvetage de la planète avec une idéologie anticapitaliste, anti-patriarcale et antilibérale. Ça fait beaucoup ! Trop militant tout ça ? Selma Alaoui s’en défend voulant faire de son « Science- Fictions, un objet théâtral et poétique empreint de ces pensées« .
Un pari réussi dans l’ensemble.
Grâce au film référence de Bruno Tracq qui donne sa colonne vertébrale aux vagabondages bucoliques, aux disputes philosophiques et aux confrontations comiques et décalées des acteurs sur sa réalisation.
Grâce à la toujours intelligente et sensible scénographie de Marie Szersnovicz qui dessine un espace tantôt bucolique tantôt concret, tantôt abstrait selon la situation vécue ou suggérée et le passage du » théâtre » à la « performance ».
Et grâce aux acteurs déjà cités, dont Selma Alaoui elle-même qui donnent de la vraisemblance et de l’élan à cette fable dont ils rassemblent avec fougue les fragments dispersés.
En pratique
Science-fictions se joue jusqu’au 22 octobre au Théâtre Varia
et du 27 au 31 octobre au Théâtre de Liège
Cet article est également disponible sur www.rtbf.be