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Festival Rideau RRR : trois semaines d’éloge du texte d’acteur.

Le Rideau de Bruxelles et son directeur Michael Delaunoy ont ça dans les tripes : l’amour du « texte » d’auteur. Leur RRR festival, première édition, propose un « angle aigu »: des textes d’acteurs… belges de préférence. 4 mises en scène, 9 lectures, 3 rencontres internationales.

Michael Delaunoy ou la ferveur du texte.

 

Le patron du Rideau fonctionne aux coups de cœur : et pour les acteurs et pour les textes qui  » fuient le réalisme illusionniste « . Il favorise des  » écritures de chambre  » opposées aux écritures  » de plateau « , très  » mode « , dit-il  et qui s’exportent bien dans les festivals internationaux. Au risque de paraître  » ringard « ,  Michael Delaunoy préfère donc les  textes contemporains de qualité. Et de citer pêle-mêle Claudel, Kaliski, Koltès, Beckett, Genêt, Crommelynck ou des Flamands comme Hugo Claus, Tom Lanoye  et Dimitri Verhulst. Soit 7 morts, du XXè  siècle. Et 2  » vivants « …flamands, dont un romancier, Dimitri Verhulst, connu surtout pour La Merditude des choses « , transposée au cinéma, pas encore au théâtre !

Aperçu d’un programme foisonnant, via trois mises en scène minimalistes.

Le dire troublé des choses : un humour mélancolique, coloré de musique ****

 

On n’est pas sûr que ce texte aurait résisté à une simple  » lecture  » publique. C’est le travail d’acteur sur le plateau qui lui donne sa structure et le rend émouvant. Une écriture grise, répétitive, obsessionnelle nous entraîne dans un quotidien banal. Au départ, 60 textes courts  de l’acteur Patrick Lerch matériaux pour actrice et acteur, superposition de crises passagères ou durables, puisées dans nos vies. Mais deux acteurs remarquables, Patrick Sartenaer et Nathalie Laroche ont  tracé leur parcours  et prêté leurs tripes et/ou  leur intelligence pour faire frémir ce quotidien proche du désespoir. Le principe de base, des répétitions drolatiques et des scènes d’anthologie. Il faut voir Sartenaer camper un petit bonhomme qui s’efforce de ne pas  » exister « , au petit matin, pour ne pas déranger sa femme. Ou un camionneur accroché à son volant, métier absurde,dans la monotonie de la route qui défile. Ou encore Nathalie Laroche évoquer, en gravité retenue, la mort de sa mère. Atout majeur pour les deux acteurs : la création sonore de David Quertiniez, live ou enregistrée, qui donne à la fois des couleurs et des impulsions  jazzy à la partition au départ  monochrome des acteurs.

Tarzan, dans la jungle des mots ***

Tierry Lefèvre dans

Tierry Lefèvre dans – © Alessia Contu

 

Attention au titre : s’il y a jungle, elle se trouve dans le décor, évoquant les racines d’on ne sait quelle forêt toute intérieure. Et si l’acteur/auteur du texte, Thierry Lefèvre joue de tout son corps, parfois proche de la danse, c’est pour défendre son texte  plus que pour sauter de liane en liane, à la recherche de Jane. C’est, dit le metteur en scène Pascal Crochet, l’histoire d’un homme qui se bagarre pour trouver sa musique, qui vide son sac pour s’envoler…C’est avant tout une voix…qui s’invente un interlocuteur et profite de ce fantôme pour faire entendre des bribes de sa vie…C’est le récit d’un errant…un chanteur, un buveur aussi.

L’ombre du père et de la famille rode mais on peine à trouver un noyau central, un fil conducteur. Il faut accepter l’errance intérieure comme thème dominant d’un texte aux envolées poétiques qui parfois vous emportent et  parfois vous larguent. Mais c’est  pour mieux vous rattraper, grâce au jeu tout en énergie corporelle et vocale de Thierry Lefèvre. Là aussi, de l’aveu même de Pascal Crochet, ce texte laisse la place à  » l’écriture de plateau  » pour lui donner vie.

Seuls avec l’hiver, quatre femmes et un mourant **

Claire Bodson dans

Claire Bodson dans – © Alice Piemme

Céline Delbecque, actrice et écrivaine, a déjà deux succès à son actif, Le Hibou, un texte subtil sur un problème délicat, la pédophilie intrafamiliale et Hêtre, où une mère et sa fille affrontaient la réalité de leur relation. Dans Seuls avec l’hiver on retrouve les qualités de Céline, une belle écriture, corsée et sarcastique, qui offre  un beau rôle à l’actrice principale, ici une femme au chevet de son mari, en phase terminale. Avec, dans le rôle, une Claire Bodson haute en couleurs. Le défaut majeur de Céline : la difficulté à créer des rôles secondaires qui tiennent la route. Il faut dire que le mourant-pauvre Philippe Jeusette- n’émet

que quelques hurlements, trop  » réalistes  » dans cette atmosphère de  » rêve éveillé « . Et que les interlocutrices / » fantômes « , des  mortes  » débranchées  »  doivent défendre un texte et des chansonnettes un peu faibles. Au total une  » danse macabre  » sarcastique mais inégale, où le metteur en scène Christophe Sermet hésite entre réalisme et symbolisme et ne sait trop que faire du chœur de pleureuses. Un vol d’étourneaux donne sa poésie funèbre à l’ensemble. Un monologue de la veuve face à un mourant muet aurait rendu  la scène plus intense.

 

Renseignement pratiques : http://www.rideaudebruxelles.be/

 –Tous les soirs, du lundi au samedi, jusqu’au 5 octobre, on peut voir deux monologues dans une mise en scène légère. Une quatrième mise en scène, Magnifico, d’Axel Cornil, aura lieu du 3 au 5 octobre

-Tous les samedis, de 11 h à 17h  trois textes pour plusieurs acteurs sont lus. Ce 28 septembre des textes d’Eric Durnez, d’Odile Vansteenwinkel et de Veronika Mabardi. Le 5, Eric Durnez, Marie Henry et Layla Nabulsi.

–  Enfin vendredi 4, une rencontre professionnelle internationale sur l’enseignement de l’écriture dramatique

 

Christian Jade. RTBF.be)

 

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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