• Théâtre  • « Lehman Trilogy » : une fresque jouissive, portée par trois clowns inspirés ****

« Lehman Trilogy » : une fresque jouissive, portée par trois clowns inspirés ****

Reprise au Rideau jusqu’au 29 février (bissextile, l’année !) d’une passionnante fresque deux fois récompensée aux Prix de la Critique 2016 (meilleure mise en scène de Lorent Wanson, meilleur jeune espoir masculin Jacopo Bruno). Un changement notable : Angelo Bison est remplacé par Fabrizio Schilacci et le pianiste Alain Franco par Johan Dupont.

La Critique 2016 de « Lehman Trilogy  »

Au beau milieu du XIXè siècle, trois jeunes juifs, fils d’un agriculteur du fin fond de la Bavière débarquent à New York pour vivre leur rêve américain. Avec un instinct de survie qui leur permet de s’adapter à n’importe quelle catastrophe ou transformation économique.

L’ainé, Harry, dit « la tête » pense, donc commande. Emmanuel, dit le bras, exécute donc agit. Le dernier arrivé, Mayer, dit Bulbe, « la patate » c’est le tendre mais aussi le « pragmatique », très attaché à la terre du Sud, l’Alabama, matrice du trio.

Le récit, à peine dialogué, de ces trois-là et de leur descendance permet de suivre l’évolution de la richesse américaine depuis un petit magasin de tissus du Sud, le commerce du coton brut puis d’autres matières premières, café, pétrole, etc.

Un texte d’une théâtralité inouïe.

L’auteur, Stefano Massini, 40 ans, fait partie de ces merveilleux écrivains italiens qui renouvellent l’art de raconter au théâtre. Ce texte musical est d’une culture juive profonde qui s’insinue dans tous les chapitres. C’est que Massini, catholique, a aussi été à l’école juive pour faire plaisir à un ami juif de son père ! Il vit donc tout « de l’intérieur » de cette culture, sans s’y enfermer. Utile pour décrire les Lehman Brothers à la manière de… Chaplin ou Woody Allen.

Une mise en scène artisanale et burlesque de Lorent Wanson. Un trio d’acteurs jazzy.

« Burlesque », c’est la clé de la réussite de ce spectacle long et léger à la fois : on y parle de choses sérieuses avec une désinvolture feinte. Lorent Wanson a « cadré » ses excellents interprètes dans cette optique où ils s’en donnent à cœur joie. Les deux compères fous de leur Italie, Pietro Pizzuti et Angelo Bison se sont adjoint un jeune Italien étonnant, sorti tout juste du Conservatoire de Mons, Iacopo Bruno. Une sorte de transmission de talent de pères à fils.

Le metteur en scène s’est aussi choisi une scénographie de style « arte povera »: une sorte de mise sur le trottoir des « restes » de l’Empire  Lehman écroulé : pas choisis au hasard puisque dans ce « garage sale » tout va servir dans la narration du passé et du présent. Et que les beaux musiciens, alternativement Alain Franco et Fabien Fiorini (auteur de l’imposé du Reine Elisabeth, demi-finale) emballeront aussi des « restes » de musique du passé et du présent avec une triple utilité : soutenir le récit, permettre des trios choraux et alléger la pâte verbale de leurs solos.

NB : chaque épisode est précédé d’un bref résumé de ce qui précède. Le spectateur qui commence cette semaine par le 2è épisode – qui se suffit à lui-même – pourra poursuivre sa boulimie éventuelle le samedi ou la semaine suivante !

« Lehman Trilogy. Chapitres de la chute  de Stefano Massini, mise en scène de Lorent Wanson.

Au Rideau de Bruxelles jusqu’au 29  février. Horaires variables et intégrale le samedi.

 

Angelo Bison rejoue lui en ce moment aux Martyrs jusqu’au 16 février un de ses plus fameux solos « L’Avenir dure longtemps » (d’après Althusser) lauréat Prix Critique 2016 (meilleur seul en scène). 2016 : l’année des Italiens !

 


Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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