• Théâtre  • « Desperado » (Tristero/Enervé). 4 cow-boys en manque de reconnaissance. 4 clowns irrésistibles ***

« Desperado » (Tristero/Enervé). 4 cow-boys en manque de reconnaissance. 4 clowns irrésistibles ***

Bruits de bottes dans le noir, flash soudain de lumière sur quatre mecs aux costumes rutilants de cow-boys flambant neufs. Action ? On est parti pour « La chevauchée fantastique » ou le « Rio Grande » ? Ciel, John Wayne ressuscité ? Pas vraiment.

Figé dans une pose, raide dans une attitude faussement assurée, chacun des héros occupe un espace précis. Aucun ne parle de conquête ou de liberté mais rabâche à l’infini ses petites misères en phrases approximatives, bourrées de lieux communs à la fois minables et drôles. Et pourtant ces quatre paumés sont irrésistibles. Dans la salle on sourit, on pouffe, on glousse, à chacun son tempérament.

Ces quatre mecs se déguisent chaque week-end en cow-boys pour oublier la médiocrité de leur vie de bureau, l’échec de leurs ambitions sociales et le désastre de leur vie affective. Entre eux ils sont parfois compatissants, le plus souvent indifférents et parfois agressifs. Au bureau ce sont des victimes alors que dans cet espace de détente ils cherchent comme une revanche. Un  rapport de force s’installe, circule de l’un à l’autre, on tente parfois d’ écraser le pote on se moque de ses échecs. De la douleur de leurs échecs des boucs émissaires surgissent les jeunes, les femmes. Alors dangereux ? Leur fond de commerce, la frustration, l’humiliation au quotidien, la largage social est le fond de commerce de certaines dérives politiques. Le texte de 1998, dû à deux Hollandais Ton Kas et Wilhelm De Wolf a été traduit  en.. ;flamand puis en français. Traduit du hollandais vers le flamand ? Eh oui le charme principal de ce texte, un cadeau pour 4 acteurs doués pour l’autodérision, tient à cette langue quotidienne savoureuse mais très idiomatique, avec ses expressions toutes faites, qu’eux et nous utilisons tous les jours sans nous rendre compte de leur dose de stupidité ou d’approximation.  De ces mots qui n’ont l’air de rien ils font des fléchettes empoissonnées pour leurs combats dérisoires ou un moyen de décrire leur bêtise abyssale, comique et parfois attendrissante. Sentiments mêlés : une comédie, certes, on rit tout le temps mais avec un arrière-plan social et presque philosophique où l’absurdité des situations débouche sur l’absurdité de la vie.

A la manœuvre un mélange savoureux (accents compris) d’acteurs francophones ( Hervé Piron et Eno Krojanker, le groupe Enervé , spécialistes en dérision) et néerlandophones (du groupe Tristero (Youri Dirkx et Peter Vandenbempt, aussi auteur de la traduction, en compagnonnage avec ses co-équipiers). Leur collaboration porte leur puissance comique au carré de leur talent individuel et collectif. Si vous ajoutez une scéno minimaliste de Marie Szersnovicz et l’œil extérieur facétieux de Pierre Sartenaer vous aurez les clefs du succès final.

En somme,  du rire, souvent, de l’humour tout le temps mais du genre grinçant. Et une image d’époque où ces cow-boys frustrés peuvent faire du dégât dans notre petit monde si fragile.

 » Desperado  » de Ton Kas et Willem de Wolf , par les groupes Tristero et Enervé.

Au Petit Varia jusqu’au 1er décembre.

A Charleroi,Théâtre de l’Ancre, du 5 au 14 décembre.

Christian Jade (RTBF.be)

 

 

 

 

Cet article est également disponible sur www.rtbf.be

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